Atlantique

Bernard M.

Je regarde la mer depuis notre balcon. Temps superbe. Pas de vent. Pas de vague. La vaste plage de sable fin qui s’étire en arc de cercle vers Île-Tudy et Loctudy. C’est plus que la mer ce que je contemple. Pourtant je n’ai pas envie de dire l’océan. L’océan, il y faut une certaine violence, un minimum de houle, il y faut la grande ouverture plein ouest, comme sur le littoral des Landes ou comme, par ici, en baie d’Audierne. Alors, disons simplement l’Atlantique. Avec ce que ce mot porte, comme une promesse d’Amérique, un signe qu’en ces temps de restrictions covidiennes et d’assignation à résidence, du moins psychologiquement, j’ai des fantasmes de grands espaces et de voyages lointains…

Longues promenades sur le sable, mais aussi dans les bois, enfin ce qu’il est en reste, grignotés qu’ils sont par les constructions de plus en plusieurs nombreuses. Saison idéale. Quel calme. Beaucoup de fleurs, même si les mimosas sont terminés, il y a les camélias, les rhodos, les parterres au pied des maisons et puis les toutes simples fleurs des champs. Il y a les arbres qui bourgeonnent, les premières feuilles qui se déplient et beaucoup de chants d’oiseaux aussi…

Nous vidons notre petit appartement, car nous allons y faire effectuer des travaux de rénovation, y installer une vraie cuisine. Il en a bien besoin, nous n’y avons pas touché depuis plus de trente ans que nous l’avons acquis. Du coup nous montons toutes nos affaires dans l’appartement de ma sœur au-dessus du nôtre. Nous avons dû procéder dans celui-ci a quelques nettoyages, rangements et vidages que mon neveu n’a guère eu le temps ni le cœur de faire, nous avons en particulier porté à la pharmacie des tombereaux de médicaments et de poches de nutriments non utilisés. Tout ça n’est pas gai et remue des pensées douloureuses.

Mais que la mer est apaisante ! Le mouvement réglé de son flux et de son reflux est comme une promesse d’éternité. Depuis la nuit des temps et loin, loin, dans l’avenir son balancement est et sera. L’homme pourra être rayé depuis longtemps de la surface de la Terre par son impéritie ou par quelque suicide collectif, que continuera le mouvement des marées. Cette puissance, cette image du presque infini, du presque éternel apaise (un peu) nos anxiétés existentielles.

Je comprends tout à fait que ma sœur ait eu envie de passer ici ses derniers mois. C’était bien sûr pour être plus proche de son fils qui habite à une trentaine de kilomètres d’ici. Mais c’était aussi pour contempler la mer et le ciel et pas le petit mur gris de son fond de cour parisien. Elle n’a guère bougé. Je me souviens, nous lui avions proposé de la conduire en voiture jusqu’au port ou à la plage ou dans d’autres endroits du coin qu’elle adorait. Elle avait décliné, elle préférait rester simplement, tranquille, sur sa terrasse, à sentir la caresse du soleil et à regarder au loin…

« La mer, la mer, toujours recommencée !
Ô récompense, après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des Dieux… »