Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Grains de sel
Grains de sel
Grains de sel

Blog créé par l'Association pour l'autobiographie (APA) pour accueillir les contributions au jour le jour de vos vécus, de vos expériences et de vos découvertes culturelles.
Voir le profil de apagds sur le portail Canalblog

Newsletter
Commentaires récents
12 novembre 2021

Boubou

Anne-Marie Krebs

 Hier à Aix, 2réunion de notre groupe de lecture depuis la rentrée… C’est toujours un plaisir de se retrouver, d’échanger autour de la lecture des échos que nous avons rédigés, puis de partager un petit repas et une (ou deux) bonnes bouteilles. La discussion s’est portée sur les relations d’entraide et d’amitié des animaux — par forcément de mêmes espèces — entre eux : Nelly évoque des oiseaux qui secouent les arbres au-dessus de marécages pour que les crocodiles puissent en manger les fruits ; Jean-Guillaume raconte comment son vieux et gros chien a accepté la petite chatte qu’il a adoptée et comment ils sont devenus les meilleurs amis du monde.

Cela m’a rappelé l’histoire d’un petit singe que mon fils avait recueilli quand il travaillait en Côte d’Ivoire dans une plantation de cannes à sucre. C’était un patas, un singe qui se nourrit essentiellement de fruits et que les Ivoiriens chassent comme gibier. Un voisin de ses voisins avait tué la mère et gardé le petit pour l’engraisser et le manger plus tard. Ému, Adrien avait acheté ce bébé singe et l’avait élevé au biberon, très vite, celui-ci s’était attaché à son maître et ne voulait plus le quitter, saccageant la maison dès qu’il le laissait seul trop longtemps.

Adrien lui a trouvé un compagnon, un chien. D’abord un peu méfiants, les deux animaux sont devenus des copains inséparables. Boubou qui était jaloux de tous ceux, et surtout celles, qui approchaient son maître, est devenu le protecteur de Moby, un bâtard un peu trouillard, qui avait dû subir de mauvais traitements. Ils jouaient ensemble comme des gamins, le singe épouillait le chien, le chien mordillait le singe, le singe poussait de petits cris, le chien jappait gaiement, on aurait dit deux enfants qui rigolaient.

J’ai fait un séjour chez mon fils, Boubou ne m’aimait pas trop et, s’il ne laissait rien paraître devant Adrien, dès que celui-ci s’absentait il essayait de me mordre ou, quand je m’asseyais sur la terrasse avec un livre, il grimpait dans un manguier et jetait sur moi des fruits verts. Je le trouvais trop drôle ! J’ai essayé de l’amadouer sans vraiment y parvenir.

Le soir, quand Adrien rentrait, nous partions souvent faire un tour à vélo dans les parcelles autour du village. Boubou adorait nous accompagner et courir devant nous, le patas est le plus rapide des primates, il court sans difficulté à 55 km/heure ; mais ce n’était pas le cas du chien qui peinait à nous suivre… alors, quand nous l’avions trop distancié, Boubou s’arrêtait pour attendre Moby et nous incitait à faire de même en poussant des cris indignés à notre encontre.

Quand il a dû rentrer en France, Adrien a cherché à placer ses animaux. S’il a trouvé facilement un maître pour Moby, personne ne voulut adopter Boubou, un singe, ce n’est pas facile à placer, d’autant plus qu’il atteignait l’âge adulte et devenait agressif, il lui fallait une femelle. Pensant que s’il le lâchait dans la brousse aux alentours du village, il reviendrait vers les hommes et se ferait tuer par un chasseur, Adrien a choisi de l’amener dans une réserve où la chasse est proscrite. Quelques semaines avant, il a cessé de le nourrir, pour qu’il apprenne à chercher lui-même sa nourriture.

Cette séparation fut un déchirement pour tous les deux, la maître a expliqué à son singe qu’ils devaient se séparer. Quand ils sont arrivés dans la réserve, Boubou s’accrochait à lui sentant qu’il allait l’abandonner. Adrien l’a laissé assez loin de l’entrée du parc pour qu’il n’en sorte pas, il lui a dit adieu et l’a fait descendre du pick-up, il a roulé vite, il pleurait et en le regardant dans le rétroviseur, il avait l’impression que son singe pleurait aussi. Il n’a pas essayé de courir derrière la voiture, il avait compris.

Il est possible que Boubou se soit fait tuer par ses pairs ou d’autres animaux de la brousse, il est possible aussi qu’il ait été accepté dans un groupe de patas. Je préfère opter pour cette seconde hypothèse et penser qu’il va devenir un patriarche (les patas peuvent vivre 30 ans) et qu’il racontera à ses descendants comment il a été élevé dans un village par un homme blanc et a eu un chien comme compagnon de jeu.

Internet

20211112gds-vie-amkrebs_boubou

Publicité
Publicité
Commentaires
B
L'avantage de se retrouver en présentiel c'est bien cela : au travers des échanges conviviaux aller au-delà de ce qui avait justifié la rencontre à l'origine, l'échange autour de vos échos. Et du coup de faire surgir et de pouvoir partager cette jolie histoire.
Répondre
Mode d'emploi

Adresser votre texte (saisi en word, sans mise en page, en PJ à votre mail) à l'adresse :

apagrainsdesel@yahoo.com

- Envoyez si possible une image (séparément du texte). Cliquez sur les images pour les ouvrir en grand
- Précisez sous quel nom d'auteur il doit être publié
- Merci de ne pas adresser de textes trop longs afin de laisser son dynamisme à la lecture. Des billets de 2000 à 4000 signes environ sont les plus adaptés à la lecture dans un blog.
L
es administrateurs du blog se réservent le droit de publier un texte trop long de façon fractionnée.


 

Publicité
Archives
Publicité