Chroniq’hebdo | De Gérard Garouste et de penseurs qui n’en sont pas
Pierre Kobel
Je m’en serais voulu de ne pas l’avoir visitée. Je suis allé voir au Centre Pompidou la rétrospective consacrée à Gérard Garouste. Je ne le connais que depuis quelques années et mal sans doute, mais sa peinture me parle même si je ne la comprends pas toujours. Lui-même revendique, je crois, cette part de mystère. On est devant un de ses tableaux, chargé de symboles, de références, et cependant c’est le geste du peintre qui me touche, le mouvement incessant, la mise en regard des couleurs. Et puis Garouste est souvent présenté comme un peintre des mots, car son œuvre se fait en regard de grands textes. Il y a là une exégèse picturale du Quichotte, des mythes anciens, de la Kabbale et autres textes hébraïques que, comme l’écrivait Bernard après sa propre visite, on ne comprend pas toujours, mais qui est chargée d’invention et d’émotion.
Au passage je ne peux que m’en prendre à ces visiteurs qui font la visite l’œil accroché à l’écran de leur smartphone, se composant un catalogue qui n’en est pas un. Une photo du tableau, une photo du cartel et hop ! Tableau suivant et on recommence. Qu’ont-ils vu de l’expo ? Rien ! Car comment prendre la mesure des toiles de Garouste à la taille d’un si petit écran ? Et puis pour ces gens-là, les autres visiteurs n’existent pas. On se met devant eux, on bouscule, on marche sur les pieds, peu importe les oiseaux rares que nous sommes, qui sont là pour VOIR les œuvres. Quelle idée ! L’important c’est de revenir avec ces clichés qui moisiront dans la mémoire de l’appareil comme dans celle de la personne. C’est un travers qui se retrouve à chaque exposition désormais. Un revers de plus d’une modernité technologique qui n’est pas toujours un progrès !!!!!!!!!
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La revue en ligne Diacritik consacre un article à Michel Onfray et Michel Houellebecq sous le titre Les inconnus sont de retour, après la rencontre et l’entretien des deux Michel dans Front populaire. L’article de Diacritik pointe et raille le discours bassement populiste de ces deux penseurs qui n’en sont pas. Ils enfilent les perles d’un discours réactionnaire d’une aigreur qui se veut racoleuse. Ils affichent un sérieux qui n’est qu’un manque d’humour et s’ils ne sourient jamais, c’est parce que leurs idées se coincent dans leur gosier. Ils paradent dans les médias comme le faisaient BHL et autres Nouveaux Philosophes, il n’y a pas si longtemps, se prenant pour les maîtres à penser de leur génération quand ils ne sont que les illusionnistes d’une société repliée sur elle-même et ses craintes frileuses comme l’exprime cette caricature de Christian Creseveur. À cela, je préfère la liberté prospective et pleine d’espérance de ceux qui ne se prennent pas au sérieux et n’attendent que l’échange et le partage avec autrui.
L’art de vivre consiste à garder intact le sentiment de la vie et à ne jamais déserter le point d’émerveillement et de sidération qui seul permet à l’âme de voir.
Le monde ne devient réel que pour qui le regarde avec l’attention qui sert à extraire d’un poème le soleil qu’il contient.
Christian Bobin, in Les ruines du ciel, 2009
Internet
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Wikipédia | Gérard Garouste
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Diacritik | Les inconnus sont de retour