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Grains de sel
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Blog créé par l'Association pour l'autobiographie (APA) pour accueillir les contributions au jour le jour de vos vécus, de vos expériences et de vos découvertes culturelles.
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6 décembre 2020

Lettres de la planète Covid

Alice Bséréni


 

Samedi 31 octobre 2020

Chère Bénédicte, bonjour,

Ci-joint ma dernière chronique de lecture du journal de confinement de Fang Fang, écrivaine chinoise de renom dans son pays. Cette chronique a été écrite alors que j’étais au chevet de ma mère pendant deux mois, victime du coronavirus après un accident coronarien grave. Elle est maintenant en convalescence et récupère, peu à peu, à 96 ans, quelques facultés. J’ai dû malheureusement commander le livre de Fang Fang par Internet. Marianne me l’avait conseillé quand je lui avais confié mon projet éditorial de l’atelier d’écriture « spécial confinement ». Ce livre permet de connaître des auteur/e/s étrangers, en particulier de ces contrées qui nous sont tellement éloignées. J’attends un autre ouvrage sur ce même thème, « Je me souviens du grand confinement » de Patrice Cartier, journaliste français qui compile une foule d’instantanés glanés dans la presse.

Je pleure par anticipation la disparition probable de mon amie Christiane C. terrassée par le coronavirus. Elle venait de fêter ses 90 ans, entourée de ses enfants, comblée de messages d’amour de sa vingtaine de petits enfants… Je compte écrire un hommage à la mémoire de cette femme exceptionnelle, elle qui déclarait en atelier : « J’ai publié 22 ouvrages, je suis auteure, mais pas écrivain ». Quelle probité ! Quelle exigence intellectuelle !

Vendredi 6 novembre 2020 à 17 h 52

Chère Alice,

Quel magnifique portrait de toi et de ton univers ! Pour ceux qui ne te connaîtraient pas, cette grande page doit leur donner l’impression qu’ils te connaissent, qu’ils pourraient te reconnaître rien qu’en te croisant dans la rue. C’est bien le propre d’un portrait réussi. Bravo à l’auteure du texte et bravo à toi d’être exactement cette battante chaleureuse qu’on nous décrit.

J’en profite pour te féliciter aussi pour ta chronique sur le livre de Fang Fang, vraiment passionnante. Je viens seulement de la lire et je vais commander le livre. Même si je n’ai pas beaucoup de temps en ce moment pour me plonger dans un gros livre, je devine à travers tout ce que tu en dis qu’il est appelé à devenir un véritable document historique sur la Chine (et sur la pandémie) et je me le garderai pour plus tard. Je comprends que tu aies été subjuguée par la personnalité de cette femme si courageuse.

Tu as dû recevoir mon roman ces jours-ci, ou tu t’apprêtes à le recevoir. Merci encore d’avoir fait le geste de l’acheter. À prendre comme une fiction, même si certain personnage te paraît reconnaissable au début ! J’espère qu’il te plaira.

À bientôt, je t’embrasse et gardons le moral ! Bénédicte

Samedi 7 novembre 2020

Objet : Portrait dans le journal du 18e

Chère Bénédicte, merci pour ces retours chaleureux ! Je travaille d’arrache-pied pour la concrétisation éditoriale de l’atelier « spécial confinement », avec un relâchement cependant, tant les énergies sont accaparées par d’autres priorités dans la confusion des consignes, des dispositifs politico-sanitaires, du désenchantement, de l’angoisse et des épreuves qui peuvent frapper les uns et les autres. Pour moi, deux mois au chevet de ma mère ! Toujours très préoccupée par l’état de mon amie Christiane C., hospitalisée à Fécamp pour la même raison. S’en sortira-t-elle ? Rien n’est moins sûr à l’heure actuelle. Elle passe depuis par des phases en dents de scie, entourée d’une équipe apparemment formidable et de ses fils attentionnés !

Écrire encore dans ces temps moroses, à l’entrée de l’hiver, sans perspective de printemps avant bien longtemps, telle une corde de rappel… J’ai bien perdu de ma sérénité du premier confinement… Je n’ai toujours pas reçu ton roman, il me tarde. J’espère qu’il n’y aura pas de raté (un précédent message sans suite d’un éditeur que je croyais être le tien…) Si tu lis Fang Fang, tu seras peut-être un peu déçue par une écriture un peu « plate », un effet peut-être de la double traduction du chinois à l’anglais puis au français, sans talent littéraire apparent. Ce que je n’ai pas relevé dans la chronique, consacrée à d’autres qualités du livre et l’intérêt du témoignage : une radiographie précieuse de la société chinoise, ce qui devrait te passionner en tant que journaliste !

Chère Bénédicte, les échanges avec toi me sont un baume au cœur et au corps dans ces temps troublés, hautement anxiogènes. Et je t’en remercie. Je t’embrasse de loin, et masquée… Alice


PS Il m’arrive de parler de toi en atelier au sujet des exigences de la syntaxe, grammaire, conjugaison, usages des temps et leur variation… Je me souviens que tu as assuré des stages à ce sujet : as-tu quelques ouvrages de référence ou des documents à me conseiller ?

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Samedi 14 novembre 2020

Chère Alice,

Je te réponds avec retard, les journées semblent raccourcies et je ne parle même pas de la lumière, tout prend plus de temps, est-ce l’ambiance générale que tu décris si bien, la grande peur généralisée, les choses qu’on fait pour sa santé, pour celle des autres, et les choses qu’on cherche encore à faire avec de la fatigue dans la tête… Oui, pour moi aussi ce deuxième confinement est plus dur, beaucoup plus violemment et absurdement imposé (mort annoncée des petits commerces, et comme une censure qui s’exerce sur l’intellect dans cette interdiction d’accéder aux livres). Pourtant j’ai la campagne autour de moi…

Ta mère est comme toi une battante, c’est magnifique qu’elle s’en soit sortie à son âge, mais tu as certainement été sa sauveuse. J’espère que ton amie Christiane aura la même chance. Son « au revoir » est vraiment poignant. Malgré l’équipe hospitalière dévouée, elle est isolée de ceux qu’elle aime, comme tant de gens qui sont atteints du Covid. Quelle saleté, cette maladie ! Je fais référence à ton autre mail à ce sujet, où tu renvoies vers un site qui dénonce les projets mortifères du FEM. Nous étions déjà alertés par d’autres sources, et il y a maintenant ce film documentaire et déjà censuré, vilipendé par les médias mainstream, qui dit clairement que tout cela aurait été prévu… Faut-il croire à tant d’horreur ? On a l’impression d’être des fourmis grillées sous une loupe actionnée par une énorme main. Il faut malgré tout qu’on résiste et qu’on persévère dans nos projets. J’espère que votre livre collectif sur le confinement verra le jour bientôt. Pour ma part, je m’occupe de faire moi-même le service de presse de mon roman, envois d’exemplaires à des rédactions qui sont toutes en télétravail… Je fais comme s’il allait en sortir quelque chose. Au fait, tu devrais avoir reçu le livre, mon éditeur m’a dit qu’ils ont tous été envoyés. Si tu ne l’as toujours pas, c’est qu’il t’aura été volé. Dans ce cas je te ferai parvenir un de ceux que j’ai achetés pour mon service de presse.

Le stage « Des vitesses du verbe dans la narration » était né de ma découverte, dans le Verbier de Michel Volkovitch, chez Nadeau, de la comparaison faite par Jean Echenoz du système verbal avec une boîte de vitesses. Je n’ai jamais retrouvé le texte d’origine de Jean Echenoz, il est possible qu’il en ait parlé lors d’une conférence et que Volkovitch ait été là pour l’entendre et lui demander personnellement ses notes. Quoi qu’il en soit je te conseille le Verbier pour toute sorte d’usage en atelier. C’est un trésor. Ensuite, en montant mes stages, j’ai un peu travaillé, comme le fait Volkovitch, en partant d’exemples tirés de mes lectures et appropriés pour telle ou telle chose que je voulais démontrer. C’est ainsi que j’ai fabriqué tous ces documents que je vous distribuais, en particulier pour ce stage-là, mais aussi pour « La musique de la phrase », etc. Je n’ai pas utilisé beaucoup d’autres ouvrages théoriques. Là je n’ai pas trop le temps de me replonger là-dedans, mais quand j’aurai un peu plus de temps, si tu le souhaites, je peux te repasser ces documents (tu en as sûrement conservé quelques-uns), je te demanderai seulement de leur laisser ma paternité (maternité ?).

À bientôt, chère Alice, tenons bon, pour nous, pour les autres. Je t’embrasse, Bénédicte.

Vendredi 6 novembre 2020 à 17 h 42

Chère Bénédicte, merci pour ce long message qui confirme la gravité de nos préoccupations. Je n’ai toujours pas reçu le livre, je crains qu’il n’ait été intercepté en cours de route ! Je peux le commander à nouveau chez ma libraire préférée pour la faire travailler… Christiane C. est tirée d’affaire ! Elle vient d’être transférée en gériatrie ! Quel grand bonheur ! Que ces belles nouvelles réchauffent le cœur ! Je t’embrasse, Alice.

Dimanche 15 novembre 2020

Bénédicte F

Oh, ce sont de bonnes nouvelles ! Je suis heureuse que ton amie soit sauvée. C’est une personne merveilleuse. Pour le livre, écoute, je veux bien que tu le commandes via ta libraire, car les libraires ne le connaissent pas encore, mais laisse-moi te le rembourser, tu ne vas pas l’acheter deux fois. Mon éditeur, qui est également libraire et a peu de moyens, préfère que les commandes passent par son site, car il perd chaque fois les 30 % dus aux libraires. Mais ce n’est pas une raison de procéder ainsi, il en faut un peu pour chacun. Si j’ai de la presse, tout ça circulera mieux. Redonne-moi ton adresse et je t’enverrai un chèque du montant du livre (qui est maintenant à 23 euros, car on n’est plus dans le tarif souscription). Mes premiers lecteurs sont très emballés. Qui est ta libraire ? Je t’embrasse Bénédicte.

À Bénédicte,

Je reste fidèle à la librairie Anima, rue Ravignan, tenue par Patricia, une amitié vieille de quarante ans. Une vraie librairie à l’ancienne dont les piles de livres saturent l’espace et les étagères jusqu’au plafond. Les vitrines présentent des livres accrochés sur une corde par des épingles à linge, titres et auteurs rares, poètes et philosophes trop peu connus, écrivains à la plume exigeante. On ne court pas ici après les caméras, les médias ni les mondanités, on n’accroche pas le touriste qui passe en mitraillant la vitrine maintenant décatie ou qui pousse la porte sans même dire « bonjour ! ». Le sourire ici est sincère, le conseil toujours précieux et pertinent, l’accueil personnalisé, sans recours aux artifices de la modernité. Je me demande comment elle peut tenir en cédant si peu aux sirènes de la rentabilité… Et c’est à Patricia que je confie la correction de mes textes et manuscrits.

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Commentaires
A
Merci pour votre accusé-réception de ce texte. L'échange épistolaire me parait en effet une forme porteuse et vivante spécialement apte à rendre compte du vécu, des enjeux sociétaux, d'un contexte politique, des tracas du quotidien, des espoirs et de nos états d'âme. Tant de grandes plumes s'y sont exercées avec bonheur ! Cette forme épistolaire inclut l'altérité, ainsi que le dispositif de circulation et de transmission du message, l'adresse à l'autre, le circuit subtil de la communication, et les richesses du langage... Autre façon de se faire à son tour "passeur" en invitant d'autres lecteurs à entrer dans la danse... Alice
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E
Quelle bonne idée que ce partage d'une correspondance. Et je voudrais aussi souscrire à l'affirmation des qualités du "Verbier" de Michel Volkovitch. Qui est par ailleurs un grand passeur, très talentueux, de la littérature grecque moderne.
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