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Grains de sel
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Blog créé par l'Association pour l'autobiographie (APA) pour accueillir les contributions au jour le jour de vos vécus, de vos expériences et de vos découvertes culturelles.
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1 juin 2022

Les petites classes

 Nadine P.

 logo_nos_ecolesParler de l’école, c’est situer géographiquement ma vie. Vie d’enseignante éphémère sur une île lointaine évoquée dans mon premier texte sur l’école et, remontant le temps rapidement, mon enfance à la campagne. Pas de transports en commun pour nous dans les années 65/70, pas de service de cantine, pas d’étude en fin de journée et pas d’école maternelle. Les premiers pas pour l’école se faisaient à l’âge de cinq ans ou plus.

Septembre 63, devant moi la grande cour de béton séparée en deux par une frontière sans grillage que personne n’osait franchir : d’un côté les filles, de l’autre les garçons, pas de dérogation pour dépasser la limite sauf quand un ballon roulait vers nous.

 La mixité n’était autorisée qu’en classe et… dans les rues du village.

 Le préau gris assombrissait le fond de la cour. Seuls les garçons en profitaient chaque jour tandis que les filles n’y avaient accès qu’en cas de mauvais temps. Quelle émotion à cette occasion de traverser la partie qui leur était réservée pour se mettre à l’abri !

 À droite, le bâtiment des « petites classes », Cours préparatoire et Cours élémentaires. À gauche, le bâtiment plus austère qui abritait également la Mairie à l’étage, celui qui nous accueillerait plus tard en Cours moyens et en classe de fin d’études pour celles et ceux qui n’iraient pas au collège.

 
 20220601gds-mem-npic_les_petites_classes

Ma maîtresse était coiffée chaque jour d’un chignon bien tiré, cheveux poivre et sel. Son sourire et sa voix rauque portée par un fort accent bourguignon me reviennent chaque fois que je pense à elle. Lors d’une de mes prestations de conteuse, elle était venue me voir. J’étais plus émue par sa présence que par les cent personnes assises autour d’elle. « Quand j’ai vu Nadine P. écrit dans le journal, j’ai su tout de suite que ça ne pouvait être que toi, alors je suis venue. » J’ai rougi, comme si des décennies plus tard elle me disait ravie que mon devoir était réussi.

 Dans cette première école, de grands poteaux gris se dressaient au bout des allées séparant les niveaux de classe. Un tableau vert trônait dans le coin droit de la pièce. J’aimais quand la maîtresse le retournait en retirant la vis qui le bloquait et que nous découvrions sa belle écriture, celle qu’elle avait tracée auparavant, mots que nous avions dû compléter ou opération avec son résultat caché là.

 Dans un autre rôle, le tableau servait à « mettre au coin » les polissons, j’en ai fait partie quelquefois.

 Ma famille ne vivait pas dans le village. Pour combler les deux kilomètres, vélo avec ma sœur, mobylette assise derrière ma mère sur le porte-bagages, à pied parfois, les années et les saisons faisaient varier les transports.

 Ma mère nous préparait une gamelle en fer, telle celle des ouvriers de chantier que nous déposions chez Madame L. Elle demeurait tout près de l’école et c’est chez elle que nous mangions.

 L’école pour apprendre, comprendre. « Quand elle voudra, elle pourra », avait dit la maîtresse à mes parents !

 Mais pour moi dès cinq ans, l’école c’était se rapprocher de « l’autre ».

 Nous vivions très isolés, au milieu des champs et des chemins boisés, quatre habitations seulement collées les unes aux autres. S’asseoir à côté de quelqu’un, se faire des amis dont les parents avaient pour la plupart des métiers liés à la culture, rien à voir avec les livres que mes sœurs et moi étions les rares à avoir à la maison, tout à voir avec les champs à perte de vue. C’était aussi découvrir d’autres sentiments, la première fois, pour le plus original de la classe.

 Un garçon ébouriffé, besace sur l’épaule, habits froissés, grondé par la maîtresse régulièrement, mais surtout par son mari qui descendait de leur appartement pour taper ou ficeler les pénibles. J-P. en faisait partie bien souvent et pour cette raison, ou pour l’injustice que je sentais poindre déjà derrière tout ça, je l’admirais. Il osait, lui, nous qui étions si sages à l’époque. Je ne me souviens plus quelle bêtise j’avais faite, mais je m’étais arrangée pour être attachée à ma chaise au même moment que lui.

 Je n’avais pas 8 ans !

 

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