À l'école des saisons
Michel Stevaert
La fréquentation de l’école, dite « gardienne », de quatre à six ans, puis « primaire », de six à douze, m’a appris le cycle des saisons qui ne m’a plus quitté depuis désormais soixante ans.
Chaque matin, chaque midi, chaque début de soirée, je plongeais dans la nature. À cela une cause bien formelle : mon père avait décidé que je suivrais la méthode syllabique d’apprentissage du français. Or, l’établissement scolaire de mon quartier enseignait la méthode globale. Qu’importe ! Je serai inscrit à l’école du quartier voisin, ce qui me vaudrait une demi-heure de marche à l’aller le matin, au retour puis à l’aller pendant le temps de midi et au retour le soir. Deux heures à crapahuter, d’abord accompagné de ma mère, qui, pour son compte, pratiquait… quatre heures de marche par jour puis, plus tard : seul. De quoi être calme en classe, bien manger et bien dormir : quelle qualité de vie ! quelle chance ! en comparaison des enfants-voitures d’aujourd’hui.
Mais, surtout, j’entrai dans le cycle de la nature. L’automne, avec ses couleurs, ses fruits, les marrons qui furent mes premières matières de bricolage, chignole et allumettes à l’appui, à ne pas confondre avec les châtaignes comestibles, ou les plaques-madame, qu’il était irrésistible de jeter sur les pulls des filles et dont un génie s’inspira pour inventer le Velcro, comme je l’apprendrais bien plus tard. L’hiver, avec son attente de neige, souvent récompensée tard, vers le Carnaval. Le printemps, que j’ai toujours moins aimé parce que, on a beau évoquer les bourgeons, la renaissance… les arbres sont bien nus en cette saison et l’arrivée des fleurs et des fruits annonce aussi les examens, ce dont on ne se défait pas après dix-huit années passées sur les bancs d’école, de lycée puis d’université. L’été, c’était différent : les grandes vacances, les jeux, la nature toujours et plus tard : le sport.
Je crois que nombre d’entre nous demeurent marqués par le cycle scolaire : rentrée d’automne, hiver avec ses fêtes (précédées d’examens), printemps de fête en fête, la fameuse « semaine des quatre jeudis » de mai (1er mai, jour V, Ascension, Pentecôte), mais avec, toujours, en perspective : les examens ; enfin l’été du repos, de l’oubli, plus tard, bien plus tard : des secondes SESS. Mais il n’est pas besoin de vivre à la campagne, où d’ailleurs le bus scolaire s’imposait souvent, pour découvrir la nature : seulement un peu de courage, dans mon chef et surtout dans celui de mes parents.