Chroniq’hebdo | D’un film, d’une émission, d’un spectacle, d’un roman et de nos aïeux
Pierre Kobel
Je suis allé voir le film Les Amandiers de Valeria Bruni-Tedeschi pour mon plus grand plaisir. Si le succès du film souffre des démêlés judiciaires du comédien Sofiane Bennacer, il n’en reste pas moins que c’est une œuvre de grande qualité. Le théâtre y est à chaque plan, à chaque dialogue, qu’il le soit de façon évidente lorsqu’il est au cœur de la représentation ou bien dans les scènes de la réalité des jeunes acteurs, de la vie de troupe, de celle de Chéreau et de son équipe. Je m’en serais voulu de ne pas être allé le voir au prétexte des controverses qui entourent sa réalisation et sa diffusion.
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Je regarde Emmanuel Macron invité aux Rencontres du papotin. Chacune des émissions de ces rencontres est très troublante tant les journalistes différents que sont les autistes sont sans filtre et peuvent désarçonner l’interlocuteur. Je me souviens de l’émotion de Gilles Lellouche, des larmes de Camille Cottin. Macron a joué le jeu sans détour. Mais au fil des questions il m’en venait d’autres à son propos quand, répondant à l’une d’entre elles, il disait que sa fonction n’est pas le meilleur moyen d’avoir des amis.
Comment peut-on mettre l’ambition avant le risque de perdre des compagnons, de ne plus pouvoir s’en faire ? Comment peut-on accepter la solitude du pouvoir à ce point ?
J’aime les responsabilités dans le cadre du collectif. Je n’ai jamais aimé le pouvoir. Pour moi l’essentiel reste les relations humaines avec leurs parts d’affect, d’honnêteté, de subjectivité, de charnel et d’émotions.
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L’humanité je la retrouve en allant voir De tous les seuils, je ferai ma demeure, de mon amie Laura Lutard qui est l’adaptation pour la scène de son recueil, Au bord du bord, publié au printemps dernier. Une jeune femme pleine de vie et d’humour, un spectacle sincère et émouvant qui, sans cacher les fragilités de son histoire liées à une enfance orpheline, puise dans les mots et la scène l’énergie nécessaire pour donner un sens à son existence.
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« La liberté […] n’est rien d’autre que la distance entre le chasseur et sa proie. »
Je lis cette phrase au début du roman d’Ocean Vuong, Un bref instant de splendeur, alors que je venais d’entendre à la radio combien les batailles en Ukraine sont pour certaines de véritables boucheries. Difficile d’admettre que la liberté là-bas tient à la trajectoire d’une balle, au sacrifice de ceux qui se mettent en travers. Il n’y a pas de guerre propre, c’est toujours une saloperie et en entendant ces nouvelles d’Ukraine, je pense à ce que nous disaient mes interlocuteurs de Saint-Laurent Blangy en octobre, des combats dans leur ville et des destructions immenses qu’ils avaient provoquées. Il y a sûrement sur le front des jeunes gens de l’âge qu’avait mon grand-oncle, qui meurent face aux Russes pour tenter de les stopper, pour défendre leur liberté et par là même la nôtre, comme lui et ses compagnons l’ont fait en 1914 face aux envahisseurs allemands.
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Dans Grains de sel la collecte Souvenirs d’aïeux trouve peu d’échos jusqu’à maintenant. Quelques textes intéressants, mais au compte-gouttes. Je crois que les choses peuvent évoluer favorablement très vite et je me demande comment apporter ma pierre personnelle à l’opération.
Qu’ai-je à dire de mes quatre grands-parents ? Je les ai bien connus pour les avoir fréquentés régulièrement jusqu’à leur mort, mais que sais-je aujourd’hui de leur histoire individuelle, de leur parcours si ce n’est quelques éléments disparates, quelques dates, quelques anecdotes ?
Internet
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Allociné | Les Amandiers
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france.tv | Les rencontres du papotin
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Site personnel de Laura Lutard