Parfois il suffit d’un rien !

Nadine P.

« Ils sont où les produits pour briquer les cuivres ? »

Le jeune caissier face à moi dévisage le grand-père venu quémander le renseignement précieux. Le jeune homme lui fait répéter et l’envoie à tout hasard vers un rayon semblant pouvoir répondre à la demande.

Je souris. « Vous ne savez pas ce qu’il vous a demandé n’est-ce pas ? »

Il sourit à son tour. « Pas du tout, briquer les cuivres, ça veut dire quoi ? »

S’en suit un échange bref, on est à la caisse, mais sympathique et chaleureux. Le jeune homme me remercie et ajoute « Il ne va pas en trouver beaucoup des magasins qui vendent ça ! »

En sortant du magasin, mon fils qui m’accompagne, mais était resté en retrait, me dit que lui non plus ne savait pas, qu’il a fait seulement une déduction. Il suffit de ces seuls mots pour que j’évoque ce grand-père qu’il n’a pas connu. Tous les deux ou trois mois, mon père déroulant sur le bout de la table une serviette épaisse « pour ne pas tacher », faisant le tour de toute la maison, posant ses yeux sur tous les cuivres à nettoyer. Des poids rangés dans un support en bois, des grands cache-pots aux plus petits, des petites figurines, etc.

Il sortait de dessous l’évier le « Miror », produit miracle, ouvrait la boîte et… et l’odeur de la pâte est encore là, elle surgit dans la voiture où mon fils m’écoute.

Un peu de cette pâte foncée à l’aide d’un torchon usagé étalée sur les objets — briqués, briqués — dorés, dorés. Le voile quittait les objets. Ils brillaient à nouveau sous les doigts forts de mon père qui briquait respectueusement les arrondis et les arrêtes plus cachées. Déposés en une rangée, du plus petit au plus grand sur la table, ce rituel me ravissait, la maison embaumait jusqu’au lendemain. Sourire de mon père, travail récompensé, « On se voit dedans » !

Mon fils acquiesce aux propos du jeune caissier. Ils ont raison, je suis d’avis que bientôt, peu de personnes sauront effectivement ce qu’il en est. En dehors des enfants aux cheveux blancs à présent, peu s’en souviennent, déjà. Je suis cependant heureuse et lui aussi, ça se voit, d’avoir fait un pont entre lui et mon père qu’il ne connaîtra jamais et par ces petits gestes datés, lui montrer un peu qui il était.

Internet

• Youtube | Nettoyer ses cuivres avec Mirror

Comments

[Durussel André]

Merci à NadineP. pour cette évocation autour de "briquer les cuivres". En Suisse francophone, on disait "briller les cuivres". Mon père était le spécialiste. Il utilisait un produit appelé SIGOLIN et cela se passait de la même manière. Ce produit est toujours sur le marché, tel qu'il se nommait en 1950 déjà...
André D. 86 ans.