Un bon ami pour Stefán Zweig
Élizabeth L.C.
Il y a bien longtemps que les livres de Stefán Zweig m’accompagnent. Le premier que j’ai lu, encore adolescente, c’était, je crois, La Pitié dangereuse. Ce n’est sans doute pas le meilleur, mais par la suite j’ai beaucoup aimé Amok, Vingt-quatre heures de la vie d’une femme et, plus récemment, Le Monde d’hier, cette élégie sur un monde à jamais disparu et que Zweig représentait si admirablement. Et écrire cela me fait penser aussi à des adaptations, une version d’Amok que j’ai vue au théâtre (la Wikipédia, qui sait tout, me souffle que c’était un spectacle d’Alexis Moncorgé), ou le film de Max Ophüls Lettre d’une inconnue.
Aujourd’hui je viens de lire son Montaigne, qui fut son dernier livre écrit au Brésil en 1941 avant que le suicide ne vienne le prendre. Petit livre d’à peine 140 pages (moins encore si l’on soustrait la préface), mais assurément substantiel. On voit d’emblée que Zweig aime et estime Montaigne. Il déclare à plusieurs reprises le considérer comme un véritable ami. Il apprécie particulièrement son désir de liberté et la manière dont il l’inscrit dans sa vie.
L’attachement de Montaigne à la liberté — « cette liberté individuelle dont il est devenu à jamais le héraut le plus résolu » — constitue d’ailleurs le fil rouge que Zweig suit dans son petit livre. Ce texte réussit malgré sa brièveté à peindre un portrait précis de Montaigne, à évoquer les principales étapes de son existence, à le situer dans le contexte de son époque, une période particulièrement troublée. Zweig évoque ainsi l’éducation originale qui lui fut donnée par son père et l’amena à maîtriser dès son plus jeune âge la langue latine.
Il décrit aussi son retrait du monde, pendant une dizaine d’années, bien avant qu’il soit appelé aux affaires publiques, nommé maire de Bordeaux. Il s’étend notamment sur le goût de Montaigne pour la lecture — elle aussi un exercice de liberté — qui a été à l’origine de l’écriture des Essais, au départ simples notes de lecture.
Il ne convient pas de lire Montaigne quand on est trop jeune, déclare Zweig dans son premier chapitre. Il faut pour l’apprécier avoir connu son lot de déceptions et d’épreuves. Mais cette lecture, ajoute-t-il, est bien appropriée à la période troublée, violente où lui-même écrit. Et sans aucun doute à la nôtre.
Images et légendes (source Wikipédia)
Portrait présumé de Montaigne par François Quesnel vers 1588.
La tour du château de Montaigne où se trouvait sa « librairie ».
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