Les barques de la Loire
Brigitte Fauquet
Un soir d’été automnal, au pied de Chaumont-sur-Loire, la fière, sur les rives du fleuve souverain.
Sont amarrées là de grandes barques, de dix mètres de longueur peut-être ou plus, ce sont chalands, gabarres ou toues, mieux, « toues cabanées », quand elles sont surmontées d’une cabane comme celle qui sert de logement aux mariniers au repos, qui naviguent encore sur le fleuve aujourd’hui. Dans un passé glorieux, ces gabarres servaient autrefois, à transporter les marchandises qui remontaient de Nantes jusqu’à Orléans ou au-delà et ce jusqu’à la fin du 19e siècle. J’aime à imaginer l’activité joyeuse qui régnait alors, le transbordement fébrile des tonneaux emplis des précieux vins de Bordeaux sur des appontements peuplés de marchands et de voyageurs… Rien de tel aujourd’hui, les berges sont herbeuses, naturelles, paisibles, juste fréquentées par des touristes ou des amoureux des couchers de soleil sur le fleuve. Peut-être vont – ils embarquer pour une navigation du soir ?
Ce sont des barques à fond plat, mais elles pèsent lourd sur l’eau, elles semblent s’y enfoncer dès qu’elles ont quelques passagers, elles donnent toutefois une impression de stabilité. Pourtant elles filent légèrement sur le courant qui ne se dément pas, qui a l’air de les emporter alors qu’elles sont mues par un moteur Honda – modernité oblige – Elles ne vont pas vite, elles s’éloignent lentement du rivage, on a tout le temps d’apprécier leur navigation paresseuse. Grâce à leur faible tirant d’eau, elles se jouent des bancs de sable et des îlots, de la profondeur ou de l’absence de profondeur, on ne sait jamais quels trous d’eau on a au-dessous de soi, si on a pied ou pas. On aurait peut-être envie de s’y jeter ? Mais les fonds sablonneux ne sont pas clairs.
Elles ont pour unique gréement une voile, repliée pour l’heure. Celle-ci doit servir de spi, les jours de vent, et en haut du grand mât, à l’horizontale, elle forme comme une grande croix au faîte du bateau, ce qui lui donne une allure de bateau fantôme. La barque ne se découpe ni sur le ciel ni sur le courant aujourd’hui, elle se fond dans le gris du ciel et le gris du fleuve. Elle est à l’unisson avec eux. Mais on n’est pas dans la grisaille ni dans la brume, non, mais dans un gris très doux, la lumière pétille à la surface de l’eau.
Et quand elle a fini sa course et se rapproche du bord, la barque a l’air de venir de nulle part, de surgir du lointain, le marinier a éteint son moteur et manœuvre à la rame. Elle accoste doucement, s’échoue naturellement sur la berge. Dans le silence. C’est ce silence qui surprend. Plus de bruit.
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