Retour à l’espace Frans Krajcberg
Madeleine R.
C’est l’annonce d’une exposition de photos de Sebastião Salgado dans ce lieu (en même temps que sa grande exposition « Salgado Amazônia » à la Philharmonie), qui m’y a ramenée. Je connaissais le « Chemin du Montparnasse », petite impasse verdoyante entourée d’ateliers branlants, à deux pas de la gare, mais au rythme complètement différent du reste du quartier. Il y avait là autrefois un petit « musée du Montparnasse ».
L’espace Frans Krajcberg est tout au fond, de plain-pied sur la cour et sans droit d’entrée. Il y a des bancs et des tables dehors, on peut se poser avant d’admirer. Admirer de grandes sculptures de bois colorés très rouges, des formes naturelles issues de la forêt et des tableaux composés de pierres et de bois aux couleurs magnifiques. Frans Krajcberg (1921-2017), né en Pologne, était ingénieur et il s’est engagé dans l’armée polonaise pour rejoindre l’armée rouge et libérer Varsovie. Toute sa famille a été exterminée par les Nazis. Lui-même a été chassé de chez lui. Il est arrivé à Paris après un passage par le Bauhaus à la fin des années quarante et a été accueilli et hébergé par Chagall et d’autres artistes. Il est parti au Brésil, où il a reçu le prix du meilleur peintre en 1957, il est revenu à Paris où il avait cet atelier, pour finalement vivre au Brésil dans une cabane construite dans les arbres au-dessus de son atelier dans l’état de Bahia.
Il s’est engagé dans la défense de la forêt quand il a vu qu’elle partait en fumée (comme ses parents dans les camps). Un film relate ses combats depuis 1978 où il lançait le « Manifeste du naturalisme intégral » ou « Manifeste du Rio Negro » à la suite d’un voyage en Amazonie avec le critique d’art Pierre Restany et le peintre Sepp Baenderenck. Ils sont révoltés contre la destruction organisée de la forêt et des Indiens qui la peuplent.
L’expo de Sebastião Salgado qui le rejoint dans son combat s’intitule « Blessure ». C’est la même blessure et la même révolte contre les feux et la destruction de la forêt amazonienne (en particulier pour cultiver extensivement et exporter le soja dans le monde entier). Les photos prises d’avion par Sebastião Salgado montrent la destruction, mais aussi le sauvetage d’une partie de la forêt dans l’état du Minas Gerais où grâce à la création de l’Instituto Terra dans la vallée du Rio Doce, sur la ferme héritée de son père et avec sa femme Lélia, plus de 2 millions 700 000 arbres ont été replantés (depuis 2001). Et la vie a repris, un message d’espoir.
Il faut revoir le film consacré à Franz Krajcberg, son visage déchiré et passionné d’artiste solitaire et révolté, un témoignage très fort que l’on n’oublie pas. On le voit aussi chercher de la terre et des pigments dans le Minas Gerais. Il photographie les fleurs, il fait des tableaux de pierres… et sculpte les bois brûlés.
Internet
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Wikipédia | Frans Krajcberg
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Philharmonie de Paris | Exposition Salgado Amazônia