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Grains de sel
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21 mars 2023

Anniversaire du 20 mars : hommage à la force d’une vision, et dommage à la défaillance d’une démocratie

Abdellaziz Ben-Jebria

20230321gds-hist-abenjeb_anniversaire_du_20_mars_bourguiba_jericoIl y a 67 ans, le 20 mars 1956, la Tunisie retrouve son indépendance, avec Habib Bourguiba, comme chef du gouvernement, puis président de la République, en juillet 1957.

C’était une date marquante, pour moi comme beaucoup de ma génération, car elle coïncida avec mon 6anniversaire, donc avec ma première année scolaire. Quelle agréable coïncidence et quelle immense chance d’avoir débuter, en cette mémorable année, mon éducation générale, dans l’école de mon village, un espace formidable auquel je restais vitalement attaché, et particulièrement reconnaissant, pour mon imprégnation intellectuelle, mon épanouissement culturel, et ma réussite professionnelle ! C’était en effet dans cette école de mon enfance que nos instituteurs nous dévoilaient des horizons illimités, et qu’ils nous stimulaient à devenir les leaders et les bâtisseurs de cette Tunisie nouvelle qui devait émerger de son sous-développement pour se transformer, à court terme, en un pays en voie de développement, et peut-être à moyen terme, en une nation pleinement développée. C’était notre rêve avoué, et c’était la ferme détermination de Bourguiba.

En cette année 1956, malgré sa petite superficie qui totalise à peine 164 000 km2, la Tunisie est bordée au Nord et à l’Est d’un long littoral méditerranéen avec de beaux rivages et de belles plages qui attirent les vacanciers à la recherche du repos, de la tranquillité et du beau temps. Et malgré la non-abondance de ses ressources naturelles, la Tunisie est un pays agricole avec ses variétés d’arbres fruitiers, ses champs céréaliers, ses oasis de palmeraies, et ses oliveraies dont certaines dataient des Carthaginois, et des romains ; d’ailleurs ne l’appelait-on pas jadis « le grenier de Rome » ?

Et en cette année 1956, la Tunisie compte à peine 3 millions et demi d’habitants, dont la moitié ont moins de 20 ans. C’était peut-être là où se cachait son plus grand challenge, mais c’était aussi là où résidait sa plus grosse richesse et surtout son plus grand investissement : la jeunesse, oui, mais une jeunesse éduquée, assoiffée du savoir, et tournée ambitieusement vers l’avenir. C’était le pari insoupçonné de Bourguiba.

Mais en cette année 2023, et en ce jour du 67anniversaire de son indépendance, au moment où la Tunisie vit une phase d’incertitude de son histoire politique, j’ai envie de m’évader momentanément, virtuellement, et discrètement, auprès d’Elhabib (bien aimé) Bourguiba, peu importe où il est maintenant, pourvu qu’il écoute mes lamentations, mes regrets, et mes reproches, sur le sort de « Touness El-Habiba » (la Tunisie bien-aimée). Je pourrais au moins attiédir les sensations douloureuses du moment, tout en lui intimant dans quel pétrin on est tous fourrés présentement.

Conscient qu’il n’est plus là pour me répondre, je me contente de monologuer, auprès de lui, ma déception, sans retenu, tout en soliloquant l’extase de mon ivresse à laquelle mon esprit se livrait pour revivre les beaux rêves d’une Tunisie contemporaine, belle et paisible, que lui seul aurait pu lui faire éviter ce pétrin du moment qui ne se repétrirait peut-être plus jamais, comme avant.

Finalement, je me ressaisis, et je m’adresse sobrement et affectueusement à lui, pour lui rendre hommage, posthumement, tout en lui reprochant amèrement une défaillance, et une seule, qui était pourtant la vraie cause de ce pétrin. Alors je lui dis :

Toi, Bourguiba, le grand visionnaire prévoyant, qui craignait que la croissance de la natalité engendrât l’abondance d’une enfance mal-nourrie et mal-soignée, et entraînât l’accroissement d’une jeunesse sans emploi, tu t’étais attelé sans relâche à mettre en œuvre un programme efficace de contraception préventive et d’accès à l’interruption volontaire de grossesse qui était même en avance sur la loi Veil en France. Et pourtant, il manquait une assurance fondamentale de durabilité institutionnelle. Quel dommage que tu l’aies négligée !

Toi, Bourguiba, l’illuminé diligent, qui portait l’avenir du pays sur cette même jeunesse, aussi bien féminine que masculine, que tu voulais qu’elle soit laïquement bien éduquée, parce qu’elle était la clé du devenir de la Tunisie moderne, tu t’étais alors attelé à mettre rapidement en œuvre un programme rigoureux d’éducation nationale. C’était du sérieux, car on lui consacrait plus de la moitié du budget de l’État ; comme celui du domaine de la santé, où toute la population y avait droit d’accès gratuitement. Et pourtant, il manquait une garantie importante de stabilité politique. Quel dommage que tu l’aies délaissée !

20230321gds-hist-abenjeb_anniversaire_du_20_mars_bourguiba_jfemmesEt toi, Bourguiba, le grand pédagogue pragmatique, qui avais su convaincre les pères conservateurs que l’éducation de leurs filles ne pouvait être que bénéfique pour elles, pour leurs familles, et pour le pays, tu t’étais alors attelé à promulguer, quelques mois après ce jour de l’indépendance, le Code du Statut Personnel (CSP), visant, entre autres, à instaurer les droits de la femme, à établir le mariage civil, et à abolir la polygamie. Et pourtant, il manquait une audace cruciale de permanence sociale. Quel dommage que tu l’aies écartée !

Encore toi, Bourguiba, le plus grand visionnaire international, qui étais le seul leader, parmi les autres arabo-musulmans, à proposer un projet raisonnablement viable et perdurable pour l’avenir de la cause palestinienne, lors de ton célèbre discours à Jéricho (Ariha, 1965), en dénonçant l’intransigeance suicidaire de ces mêmes dirigeants arabes moyen-orientaux. L’histoire t’avait donné raison, 28 plus tard. Et pourtant, il manquait toujours cet engagement vital pour une Tunisie paisible. Quel dommage que tu l’aies manqué !

Enfin, toi Bourguiba, le penseur prévoyant, qui aimait la Tunisie vertueusement, tu avais su t’entourer, au début, d’intègres collaborateurs compétents. Puis, le temps passait, et le vide se creusait sans l’émergence d’une légitime continuité institutionnelle. Tu t’étais alors laissé rattraper par l’incurable faiblesse de la maladie et de la vieillesse, pour être finalement humilié, abandonné, et confiné par de méchants loups, jusqu’à ta mort. Et la Tunisie était depuis mal-guidée, maltraitée, et totalement déconstruite, par des abrutis-dévorants, des hâbleurs-charlatans, des obscurantistes-ignorants, et des corrompus empiffrant.

Alors pourquoi est-on arrivé là en reculant ? Tout simplement parce que tu ne t’étais pas adonné passionnément à la culture démocratique, et tu n’as peut-être jamais cultivé l’esprit de concurrence politique, le fondement même de la démocratie, la seule assurance d’une durabilité institutionnelle et la seule garantie d’une stabilité politique. Pourtant, toi le pédagogue, le pragmatique, et le convainquant, tu aurais pu instiller progressivement, chaque année, rien que 5 % de cette DÉMOCRATIE pour atteindre, au bout de 20 ans, la pleine croisière de 100 %. QUEL DOMMAGE pour la Tunisie que tu avais beaucoup aimée ! QUEL DOMMAGE pour ceux qui l’aiment toujours ! Mais, il n’est jamais tard pour que la jeunesse-consciente s’éveille et répare l’irréparable. La balle est maintenant dans leur camp.

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