Ô Maisons ! balade...
Marie-Françoise Després-Lemarchand
La cuisine donnait sur le port
À midi
(« Les filles, regardez ! »)
le Queen Elizabeth, le France
les fourchettes en suspens –
glissant dans la purée
(Cherbourg, la cité des Fourches)
Tout le jour
Sur un motif de toile cirée
jaune
(traverse
de rayures rouges et vertes)
salle à manger de la rue
« Emmagneliais »
Trois ans
Et la blonde poussière des dimanches
Sceau gracile de l’éternité
(Cherbourg, déjeuners chez M)
Rouge, vert, jaune
– somptueux vitrail-
la porte s’ouvrait sur le jardin
de camélias et de muguet
Dans le vestibule d’innocence
Tu es restée
Émerveillée
(la maison du boulevard Foch)
Carrelage
Et le buffet frissonne
Toit de tôle
Où le ciel gondole
Le caveau brun de la campagne
Vient engloutir
Vos jeux navrés
(les vacances à Saint-Sauveur)
Ce serait l’histoire des maisons
Et une encore austère et vaste
Où circule la fraîcheur d’avril
Un jardin sombre
Un buissonnement
Des enfants y courent
Seuls et blonds
Ils ont les huit ans du poème
Nulle gravité le soir dissipe
L’escalier roux n’a pas de nom
Sous la pluie le lilas frissonne
Un pull et deux, volets claquants
On prend le café en cuisine
L’herbe est mouillée autour du banc
Dessinez bien le ciel épars
Les rires le champagne et les mouettes
Cela n’eut pas d’autre visage
Mais perdu
Au vent d’Ouest doucement
(Saint-Brieuc, rue de l’Abbé Fleury)