Grain de sable
Framboise
Le confinement du printemps a été une période inédite où j’ai voulu tout explorer dans mon environnement immédiat. Mon ouïe, mon odorat, ma vue étaient en éveil constant. Le goût aussi, avec l’exploration de nouvelles saveurs, l’apprentissage de nouvelles recettes. Seul le toucher est resté persona non grata en dehors de mon périmètre assigné.
Moins de bruits parasites, plus de temps pour l’observation, mes pensées s’emballaient au moindre mouvement d’aile, à la découverte d’une nouvelle orchidée, d’un volatile sauvage qui s’approchait de nos tanières. Curieusement, tout était exacerbé dans cette retraite imposée. Je pestais, mais je savourais aussi ces moments intenses, ces échanges écrits, ces partages sur les réseaux sociaux.
J’ai pu assister à des concerts en live, écouter des lectures à haute voix, voir des documentaires de toute sorte. J’ai relu les auteurs de mes jeunes années avec toujours autant de passion. J’ai l’impression de n’avoir jamais autant ingurgité en si peu de temps.
Mon cerveau était en ébullition permanente pour fuir la morosité et l’anxiété ambiante et m’évader de cet enfermement contraint. Un confinement pourtant très confortable avec la nature à ma porte, je n’avais pas à me plaindre.
Le reconfinement de l’automne, même s’il était annoncé depuis plusieurs semaines, me laisse un goût plus amer. Il est arrivé brutalement sans sommation et sans l’excitation de la « première fois ». Du déjà vu, déjà ressenti, déjà vécu....Ce nouveau mode de vie n’était donc qu’un premier essai, il fallait le réitérer. Je n’étais pas d’accord, je le refusais. Nous en savions plus sur ce virus, nous l’avions apprivoisé tout en le laissant à une distance raisonnable. Alors oui ! il se réinvitait après l’insouciance des soirées estivales, avec les premiers frimas, mais c’était attendu, non !. Et les décomptes journaliers sont repartis, tous les indicateurs en hausse, les hôpitaux bientôt en incapacité de fournir… et notre vie de nouveau rythmée par les allocutions présidentielles.
Recommencer, remplir nos autorisations (l’Absurdistan autoritaire dixit nos voisins européens) limiter le plus possible les interactions humaines sauf dans les transports en commun, dans les grandes surfaces....On a senti néanmoins un certain relâchement, les masques, plus nombreux, ont baissé pavillon et se sont retrouvés en boucle d’oreille. Les 1 km pour nous dégourdir les pattes ont souvent été transgressés, les ausweis oubliés, mais nos librairies sont restées fermées, notre fleuriste s’est enfermée et le petit café du marché n’a plus fumé.
Alors oui, ce reconfinement me laisse un goût amer, un grain de sable a enrayé la machine qui avait si bien fonctionné la première fois.