Sei Shônagon et notre atelier d’écriture
Catherine Bierling
Début décembre, grâce à Zoom, nous avons pu nous rencontrer virtuellement pour notre atelier d’écriture. Comme base pour nos textes, j’avais choisi quelques extraits des Notes de chevet (Makura no sôshi) de Sei Shônagon. Celle-ci appartient à la cour de l’empereur Ichijô et devient en 991 dame de compagnie de l’impératrice Teishi.
Dame Sei Shônagon (965-10 ??) est une femme de lettre considérée comme l’une des plus importantes de la littérature japonaise de l’époque Heian (794-1185) où les genres les plus en vogue sont le poème court (Tanka), le roman (Monogatari) et le journal (Nikki), formes littéraires principalement pratiquées par des femmes. Les impératrices aimaient alors à s’entourer de dames lettrées.
Murasaki Shikibu (978 ?-1016 ?) qui est aussi une auteure de « nikki » (journal) n’est pas tendre pour sa collègue : « Sei Shônagon est une personne qui en impose en vérité par ses grands airs. Mais sa prétention à tout savoir et sa façon de semer autour d’elle les écrits en caractère chinois, à tout bien considérer, ne font que masquer ses nombreuses lacunes. » (Cité p. 320 dans « la tentation autobiographique » de Philippe Gasparini, Seuil, 2013).
Cependant, Sei Shônagon bénéficie aujourd’hui d’une plus large notoriété, étant à l’origine d’un nouveau genre, lorsqu’elle publie ses Notes de Chevet (traduction A. Beaujard, Paris, Gallimard, 1966, rééd.1985). Différentes du journal traditionnel (Nikki) par leur caractère achronique et thématique, ces Notes de Chevet annoncent la littérature moderne du fragment. Sei Shônagon y mêle confidences poétiques, digressions, tableaux, anecdotes, et ses listes de « choses qui… » ou « choses que… »
Nous sommes donc parties de ces listes de « choses, » en choisissant celles qui nous inspiraient personnellement et en les modifiant éventuellement.
Voici, pêle-mêle, quelques exemples de nos trouvailles :
-
Choses élégantes : la fumée qui se dégage d’un bâton d’encens et s’élève vers le ciel
-
Choses dont on n’a aucun regret : la jeunesse folle que j’ai eue !
-
Choses qui font battre mon cœur : un regard qui attire le mien, me fait sentir vivante et entrer dans la lumière.
-
Choses qui m’émeuvent profondément : au printemps, au bord du balcon de ma voisine, une mère hirondelle et sa clique d’enfants
-
Choses qui ne servent à rien mais qui rappellent le passé : une tasse ébréchée ou recollée que l’on garde sur une étagère.
-
Choses peu rassurantes : une rue mal éclairée et déserte la nuit.
-
Choses ayant de la valeur, dont je veux me débarrasser : un service en porcelaine de Limoges, cadeau de ma mère.
-
Choses qui font naître un doux souvenir : le murmure de la rivière qui s’écoule vers l’océan et qui berçait mon enfance.
-
Choses qui gagnent à être peintes : un oiseau perché sur un arbre sans feuilles.
-
Choses qu’il ne valait pas la peine de faire : s’angoisser pour savoir si on allait « réussir dans la vie. »
Nous nous étendons davantage sur les choses positives que sur les choses désagréables. Car Sei Shônagon propose aussi des « choses peu rassurantes, désagréables, embarrassantes… » qui nous inspirent moins, ce doit être un réflexe de survie. Mais ce classement en « choses qui… » donne assurément envie de poursuivre, un bon déclic pour un atelier d’écriture !
Nous fixons un prochain rendez-vous pour janvier. Zoom nous aide à supporter l’isolement et la grisaille. Les choses qui sont difficiles à vivre…
Internet
-
Wikipédia | Sei Shônagon
-
Wikipédia | Notes de chevet