En transit

Bernard M.

 Le soleil se lève face à moi, émergeant d’une barre de nuage. Sur ma droite les Pyrénées enneigées sont délicatement rosées. Mon train file plein est vers Montpellier puis Lyon d’où je me dirigerai vers Ambérieu…

J’ai dormi à Toulouse pour pouvoir prendre ce train très matinal. Je ressens une certaine fatigue à effectuer ces trajets de commis-voyageur. Mon sac est lourd de documents que je ramène à l’APA. S’arracher du lit à six heures n’était pas facile. Je me suis agacé à surveiller continûment ma montre pour m’assurer de ne pas me mettre en retard. La peur des retards, la nécessité d’accroître les marges de sécurité, ça me parait être un signe manifeste de vieillerie. Je ne ressens plus maintenant ce plaisir que j’avais autrefois à partir, où que ce soit, il me suffisait de m’installer dans un train pour ressentir une forme d’allégresse. Maintenant je vis ces voyages plutôt comme des contraintes. J’aimerai me télétransporter d’un lieu à l’autre d’un claquement de doigt. Ça n’empêche je serai content de retrouver les amis à Ambérieu et d’effectuer les tâches prévues notamment une rencontre avec les représentants de la municipalité pour avancer nos dossiers et notamment tout ce qui concerne les manifestations que nous voulons organiser à Ambérieu pour marquer les 30 ans de l’association. Il y aura de précieux moments conviviaux, je le sais, et la pesanteur que je ressens pour l’instant s’effacera…

Cette lassitude est sans doute renforcée par le fait que je reparte alors que je venais à peine de rentrer après une semaine parisienne. Semaine plaisante au demeurant. Outre la participation à la réunion de l’APA sur le blog Vivre confinés que j’ai déjà évoquée, j’y ai vu mes enfants et petits-enfants, dont le dynamisme et la tonicité, certes fatigants, sont néanmoins toujours sources de jouvence. J’ai vu mon père aussi. Il est de plus en plus fatigué, somnole la plupart du temps, peine à se déplacer mais j’ai passé tout de même un bon moment avec lui en faisant une partie de scrabble. Il s’anime un peu, y prend manifestement plaisir, trouve encore des mots parfois compliqués et sait les placer avec pertinence. Les mots sont encore là donc, même si, désormais quasi aphasique, il ne les prononce plus guère. Mais, à l’issue de la partie, il a manifesté qu’il était totalement épuisé. Je ne peux m’empêcher de me dire : serait-ce la dernière partie ? Et je m’efforce alors d’en garder chaud en moi le souvenir. Nous avons aussi naturellement profité de notre séjour pour nous prendre un bon petit shoot culturel. Plusieurs films, le prévisible Les promesses, pas inintéressant mais bof, le très bon Ouistreham qui confronte deux mondes et porte un regard empathique sur les femmes de ménage jouées par des actrices non professionnelles remarquables, enfin le très beau diptyque Souvenir de Johanna Hogg, une façon de raconter et de filmer très originale qui est aussi une magnifique ode au pouvoir régénérateur de l’acte de création et du cinéma. Enfin j’ai été visiter l’exposition Julie Manet au Musée Marmottan-Monet. Très intéressante et me donnant l’occasion de revoir ce petit musée que j’aime bien, avec ses mélanges entre évocations du Premier Empire et de l’impressionnisme, là-bas dans ce grand-ouest au loin de mes quartiers parisiens habituels. Façon de dire aussi la part prescriptive de ce blog, puisque c’est la lecture du billet que Pierre avait consacré à cette exposition qui m’a donné l’envie d’y aller.

Nous approchons de Sète. Le temps s’est un peu couvert. L’étang à droite, la mer à gauche. J’écris lentement. Une phrase… un coup d’œil au paysage… Le TGV est parti de Toulouse presque vide, il se remplit doucement à chaque arrêt. Je suis à la meilleure place : en première, place solo, dans le sens de la marche. Bon, il y a tout de même du plaisir dans ce transit, même s’il ne s’effectue pas d’un claquement de doigt…

Internet

• Allociné | Ouistreham

• Allociné | Souvenir I / Souvenir II

• Musée Marmottan-Monet | Julie Manet mémoire de l’impressionnisme

Comments

[Bernard M]

Je ne te concède, chère Elizabeth, qu'une année d'ainesse et cela ne compte plus à nos âges !



Bien vu Sherlock! En effet c'est la mer qui était à ma droite et l'étang à ma gauche. Vieux problème de latéralisation d'un gaucher pourtant non contrarié. Quand je copilote il est fréquent que j'indique l'un pour l'autre ce qui donne parfois des dialogues confus :

Mais enfin que fais-tu ? pourquoi tu tournes là ?

Ben, c'est ce que tu m'as dit !

Ah oui j'ai dit : à droite ? Mais non bien sûr c'est évident que c'est à gauche qu'il fallait aller...

Je vous laisse libre de toute transposition politique !

[Elizabeth LC]

J'ai bien peur en effet que l'excès de précautions et les inquiétudes avant de partir en voyage ne soiennt un signe de vieillissement... car j'éprouve exactement la même chose (il est vrai que je suis ton aînée de qq années !) De fait la multiplication des contraintes à gérer autour des voyages (mesures de sécurité, et maintenant mesures sanitaires) ont rendu les départs pesants. Il devient difficile de dépasser tout cela pour accéder à l'allégresse du voyage lui-même.



Question bête : allant de Toulouse à Montpellier, et assis dans le sens de la marche (puisque tu le précises), comment peux-tu avoir la mer à ta gauche ?