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Grains de sel
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Blog créé par l'Association pour l'autobiographie (APA) pour accueillir les contributions au jour le jour de vos vécus, de vos expériences et de vos découvertes culturelles.
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6 mai 2022

Souvenirs d’école 2

Claire C.

logo_nos_ecolesPARIS XXème arrondissement, fin des années 50 (suite et fin)

Une année, je suis revenue de mes vacances chez mes grands-parents à Toulouse avec un joli début d’accent toulousain et j’ai déclenché une grande hilarité en récitant devant la classe un poème où il était question d’un « pêcher rose » qui « fleurit sous un ciel morose ».

20220506gds-mem-clcass_souvenirs_decole_2_multiplication

Il pouvait y avoir un certain plaisir de virtuosité dans la résolution des problèmes de « calcul », culminant dans la manipulation des jours, heures, minutes, secondes. « Un fermier laboure son champ qui mesure trente mètres de long et vingt mètres de large. Chaque sillon est séparé de l’autre par un mètre, il lui faut 20 minutes par sillon , combien de temps lui faudra-t-il pour labourer le champ ? ». Apprendre « ses tables », c’était le travail de la maison.

 J’ai d’autres souvenirs bien plus angoissants : le « calcul mental » où nous devions lever tous en même temps notre ardoise avec le résultat du calcul énoncé par la maîtresse, et surtout les terribles « cartes muettes » où elle désignait d’une longue canne un fleuve, une ville, une montagne, dont nous devions trouver le nom absent. Je revois le portique de métal peint en vert où on les accrochait. Parfois la carte quelle apportait n’était pas muette, quel soulagement !

 Je me souviens qu’à la veille de la rentrée des classes en septembre je pleurais silencieusement dans mon lit, j’avais l’impression de pleurer toute la nuit. Mais je crois n’avoir jamais pleuré ensuite à la grille, en entrant à l’école.

 Quand la maîtresse posait une question, les filles levaient le bras en braillant : « moi, m’dame, moi! » Dans notre ardeur nous avancions même entre les rangées, index brandi ! Nous les appelions aussi « maîtresse » et je me souviens de la chanson qui accompagnait les dénonciations pendant les récréations : « Ça c’est dit à la maîtresse ! ça c’est dit à la maîtresse ! ».

20220506gds-mem-clcass_souvenirs_decole_2_cantine

Nous ne mangions pas à la cantine, Maman venait nous chercher à midi et j’avais beaucoup de pitié pour les malheureux à moitié abandonnés qui n’avaient pas ce privilège...c’est seulement des années après, au lycée, que j’ai eu l’occasion de manger à la cantine un jour par semaine, parce qu’il y avait la chorale...et de découvrir que si la nourriture était assez basique, par contre on profitait d’une longue récréation.

 Un jour, à l’heure des mamans, je jouais encore avec mes copines quand des filles sont venues me chercher : « ta maman pleure ! ». Effectivement, elle pleurait en parlant avec ma maîtresse et j’ai longtemps cru que c’était parce que je n’avais pas bien travaillé. Des années après elle m’a raconté que c’était parce qu’elle avait découvert que j’aurais dû être première au décompte des points et que c’était Dominique qui avait été déclarée première. La maîtresse, une femme très humaine lui avait dit gentiment : « ce sont les deux meilleurs amies de la classe, croyez-moi cela ne les tourmente pas du tout ». Et ma mère avait gardé le souvenir de cette phrase et avait beaucoup relativisé ensuite cette affaire de classement.

 Il est vrai que ma mère avait des souvenirs très amers de l’école primaire, à Mercier-Lacombe,en particulier d’un directeur violent, qui lui avait fait redoubler son CM2 parce qu’il n’était pas sûr qu’elle obtienne je ne sais quel classement au Certificat d’Études, pour sa plus grande gloire personnelle. Il maniait la règle en fer et une fois elle était rentrée si marquée que ma grand-mère était allée le voir, très en colère.

 Autre souvenir de cette époque : la consultation d’une psychologue pour déterminer la conduite à tenir car j’étais gauchère. Je me souviens du plaisir et de l’étonnement ressentis quand elle m’avait dit que je pouvais jouer « comme je voulais », dans un premier temps. Puis elle m’avais proposé un cylindre de papier comme longue-vue, puis une petite boule de papier comme ballon, et comme j’avais utilisé aussi l’œil et le pied gauche, avait conseillé de ne « pas me contrarier » car j’étais une vraie gauchère. Et il n’y a eu aucun problème.

 Après l’école, Maman venait encore nous chercher (comment se fait-il que j’ai le souvenir très net d’être rentrée seule dans la courte rue pavée où se trouvait la menuiserie ? Ca a dû arriver de temps en temps, à midi) et donc nous amenait au square. C’est dans ce square je crois que j’ai entendu parler du « petit Peugeot », le fils de l’industriel, qui avait été enlevé pour demander une rançon par quelques imbéciles, qui l’ont rendu bien vite à ses parents. Il leur a raconté ensuite qu’ils étaient gentils et qu’il lui avaient donné plein de chocolat. Cette histoire m’avait beaucoup impressionnée, on enlevait donc les enfants ? Bien sûr les grandes personnes nous avaient bien recommandé de ne jamais suivre quelqu’un qui nous proposerait des bonbons…

 On jouait longtemps ; en hiver il faisait nuit, en été nous buvions à la fontaine de fonte verte, pressant le petit bouton de cuivre, penchés en avant, pieds écartés pour éviter les éclaboussures. Parfois elle nous avait acheté un pain au lait ou des petits pots de confiture en plastique (les premiers plastiques...aux couleurs grisâtres, et pas très solides), ou des pâtes de fruits. Le plus souvent c’était du pain et du chocolat. Je mangeais le pain d’abord, déjà philosophe de la nourriture...je me rappelle m’être dit que si j’étais capable de tout aimer des différents aliments, je me régalerais tout le temps.

 Le square me semblait immense, une sorte de monde avec plusieurs territoires différents : le grand cercle de ciment entourant le sable, la piste de patin à roulettes nettement plus loin, avec une palissade et des buissons dont les baies rouges « étaient du poison ». J’ai le souvenir d’une fois où des garçons m’avaient admise dans leur jeu, jeu d’indiens peut-être, il me semble qu’on escaladait des palissades inclinées. Mais la plupart du temps, le monde des filles et celui des garçons restaient très séparés. Heureusement j’avais un frère et des cousins.

 

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