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Grains de sel
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Blog créé par l'Association pour l'autobiographie (APA) pour accueillir les contributions au jour le jour de vos vécus, de vos expériences et de vos découvertes culturelles.
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8 mai 2022

Souvenirs d’école 4

Claire C.

logo_nos_ecolesRUEIL-MALMAISON : l’avenue du Mont Valérien, début des années 60 (suite)

Souvenir un peu surprenant : à moment donné, on pouvait acheter à l’école des « Orangina ». Ma mère n’était pas du tout d’accord avec l’idée de voir le commerce envahir l’école et elle avait refusé tout net mais bien entendu ces petites bouteilles renflées, remplies d’un liquide délectable (une copine m’en avait fait goûter un peu) étaient l’objet de mon désir. Autre souvenir : l’État avait décidé de faire distribuer aux enfants des écoles du lait (je crois qu’il y avait des surplus). L’hiver, un grand baquet de chocolat fumant nous attendait, rangés bien en ligne, gobelet à la main, nous attendions notre tour. En été, c’est dans les classes qu’étaient distribuées des petites bouteilles de lait au chocolat glacé délicieux. On entendait tintinnabuler dans les couloirs les casiers métalliques et la maîtresse disait : « Rangez vos cahiers ». On buvait avec une paille.

De temps en temps, la maîtresse allumait un poste de radio qui se trouvait sur le côté de la classe et nous écoutions une leçon de musique radiodiffusée. Nous avions un petit livret, avec des illustrations pour chaque morceau étudié. Je me souviens de « La Moldau » de Smetana, de chants aussi que nous apprenions. Il fallait colorier les illustrations, c’était un très bon moment.

20220508gds-mem-clcass_souvenirs_decole_4_musique

Dans une de mes classes il y avait aussi un aquarium, et chacun son tour, un enfant était chargé de changer l’eau. Je me souviens de la longue trace de pipi laissée dans l’escalier par une pauvre malheureuse qui n’avait pas pris ses précautions avant de remplir sa mission et saisie de panique avait fait demi-tour au milieu du trajet pour se réfugier dans la classe...quelle honte !

Toutes ces fonctions du corps étaient entourées d’une exigeante pudeur dont le groupe était le garant. Les toilettes un peu malodorantes étaient au fond de la cour, avec leurs rouleaux de papier transparent et beige, peu absorbant. Pour être certaines de ne pas être surprises dans cette situation on demandait à une copine de nous « tenir la porte ».

Nous étions toutes en jupes ou en robes recouvertes d’un tablier (je n’ai mis ma première paire de pantalons qu’à 11 ans, au ski, on disait des « fuseaux »). Si une fille s’asseyait les jambes négligemment ouvertes, une gardienne de la vertu lui adressait une rappel à l’ordre : « baisse le capot, on voit l’moteur ». Je ne me souviens pas avoir eu des activités sportives à l’école avant la 6ème.

La dernière année, en CM2, ma maîtresse n’était pas commode. Elle malmenait devant nous avec brutalité certaines malheureuses qui ne lui plaisaient pas, comme la maîtresse de la classe d’à côté. J’ai assisté à des scènes qu’on qualifierait sans aucun doute de maltraitance actuellement. Je me souviens d’une fille projetée dans le couloir par cette grosse femme vulgaire, d’autres à qui on tirait les cheveux. Pourtant, il n’y avait pas de rébellion , l’obéissance enfantine allait de soi tout comme la domination naturelle et sans appel des adultes. J’avais peur, souvent.

J’étais la plus jeune de la classe, je travaillait assez bien malgré quelques failles et une sorte de résistance passive face à certaines exigences. J’avais aussi compris je crois qu’être trop brillante se payait dans la cour de récré. Il fallait naviguer entre Charybde et Scylla : exigences des adultes, règles implicites des enfants. C’est longtemps après que j’ai pu ressentir ces deux groupes comme engagés dans une confrontation silencieuse, impensée même: après mai 68, au lycée, en terminale, certains professeurs ont eu affaire à la force du groupe des adolescents qui avaient appris à remettre en cause leur autorité. Et j’ai découvert alors l’impuissance de l’adulte seul face à un groupe classe soudé.

Mais en cette dernière année de primaire, on en était bien loin. Au fond de la classe, se trouvaient de grandes filles de 14 ans ou presque qu’on appelait les « fins d’études ». Elles avaient une position très particulière, on n’attendait pas grand-chose d’elles et elles jouissaient du prestige de leur évidente puberté. J’étais fascinée par leurs cheveux crêpés, leurs volumineux jupons couverts de vichy rose imitant Brigitte Bardot et je traînais avec elles à la récréation, écoutant leurs histoires de garçons, leurs plaisanteries, leurs recettes de beauté, admirant leur nonchalance. Elles m’avaient adoptée comme une sorte de mascotte et m’offraient généreusement des bonbons.

Un autre monde m’apparaissait.

 

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