Ranger, classer, désherber… relire peut-être…
Bernard M.
Avant la venue de nos enfants et petits-enfants qui ont passé quelques jours chez nous à l’occasion de ces vacances de printemps (moments très plaisants, mais quelque peu fatigants, vous connaissez le célèbre chicoufsnif, chic, ils sont là, ouf, les voilà partis, snif, c’est bien triste), je m’étais engagé dans d’intenses activités de rangement.
Au départ il s’agissait seulement de faire disparaître les piles de bouquins posés à divers endroits de la maison et d’aller les ranger aux emplacements censés les accueillir, selon les formats et les sujets (j’ai des étagères de livres de poche au classement purement alphabétique et plusieurs autres bibliothèques dans diverses pièces de la maison avec des classements thématiques pour les autres livres). Mais j’en ai profité pour remettre de l’ordre avec l’idée aussi de désherber quelque peu. Sans succès sur ce dernier point. Ma maison est grande et malgré un nombre de livres non négligeable, entre mille et deux mille volumes, plus près certainement des deux mille, il me reste de la place. Alors en l’absence de nécessité absolue, je n’arrive pas à me décider sur ce que je veux donner ou mettre au rebut.
Je m’étais dit aussi que j’allais classer les nombreux volumes des hors-séries de Télérama, des numéros de Beaux-Arts ou de Connaissance des Arts, souvenirs des expositions visitées et qui pour l’instant s’entassent au hasard. Je voulais faire au moins des catégories, peinture, cinéma, photo, littérature, éventuellement classer ensuite chaque catégorie par ordre chronologique ou alphabétique… Mais j’ai à peine amorcé la tâche, je me suis vite découragé. Mais, du coup, je suis retombé sur quelques numéros que j’ai ressortis, ceux sur Duras, sur Sade, sur Chagall et dans lesquels je me suis mis à déambuler avec un certain plaisir. Mais avec de la frustration aussi, entre survol rapide et volonté de relire vraiment, et puis pourquoi ceux-ci plutôt que d’autres que j’aurais eu envie de revisiter aussi.
Il y a un côté mortifère à ce genre d’activité. Ce n’est pas vie, le neuf, le flux de ce qui arrive, qu’on découvre, qu’on oublie et, après tout, tant pis. Non c’est la volonté de caser, organiser, maîtriser, pouvoir retrouver, relire.
Relire ! C’est ce qu’on se dit, face à une bibliothèque. J’ai tous ces livres. Je les garde. Je ne peux pas m’en séparer. Ils forment une sorte de cocon de mots protecteurs. Ils sont traces et souvenirs de lectures passées. Mais ils sont aussi relectures potentielles. On sait qu’on en relira un certain nombre. Ça, c’est quand le temps qui reste ne parait pas compté. Lorsqu’on atteint l’âge où, inévitablement, il le devient, la perspective change. Non, on n’en relira pas tant que ça. Et c’est là alors que l’activité de classer, ranger, désherber, mettre en ordre pour favoriser l’accès à la relecture commence à être perçue comme une activité mortifère, un gâchis de temps, allons, il vaut mieux aller humer le printemps ou bien, tiens, prendre un livre et s’y plonger…
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