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Grains de sel
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21 février 2023

Lydie Salvayre, irréfutable essai de successologie

Alice Bséréni

20230221gds-liv_abse_irrefutable_essai_de_successologieHilarant, désopilant, acerbe, grinçant, moqueur, fracassant, méchant, oui, méchant ! Tel est le nouveau livre de Lydie Salvayre, un pamphlet acerbe, une satire croustillante des travers de notre temps, et non des moindres : la course au succès. Une valeur suprême devenue raison de vivre, essentielle, impérieuse qui abolit toute autre préoccupation et toute autre morale. Outre une autopsie méticuleuse de l’emprise du Net et des réseaux sociaux, y sont disséqués avec délectation, sans concession aucune, les milieux littéraires parisiens, leurs acolytes, auteurs, critiques, dispositifs, tous agents et moteurs d’une course au succès à caractère obsessionnel, totalitaire.

Il faut à l’auteure réunir quelques ingrédients nécessaires au récit, convoquer une terminologie connectée aux sciences et techniques de la modernité, parcourir les lieux mondains de la littérature. Pour ce faire elle installe dans la place une « Instagrameuse » qui servira de focal à la démonstration (pourquoi donc une femme ?). Elle en brosse un portrait désopilant, une caricature qui fera office de bouc émissaire, de prétexte à la très mauvaise foi de la narratrice et à ses coups de griffes : une ignorance crasse, des minauderies aguicheuses, un mépris des valeurs désuètes qui pétrissent pourtant la mémoire et l’inconscient collectif, l’obsession du pouvoir et du faire valoir. Elle déroule un discours qui se fait à la fois fiel, condescendance et leçon de morale, mettant en évidence la vacuité des valeurs affectées à l’emprise du factice. Il lui faut aussi des lecteurs, ils sont interpelés à chaque étape du récit, tantôt « mes anges », « mes naïfs », « mes chéris », « mes amis », « mes chers » ou « mes candides »… pris à témoin de son cheminement, complices de ses observations. Un procédé narratif que Lydie Salvayre cultive avec gourmandise à coups de traits d’humour onctueux, facéties verbales, interpellations intempestives qui mouillent le lecteur au fur et à mesure qu’il poursuit sa lecture, s’y enferre et ne la lâche pas. Elle nous a habitués à cette connivence, elle y excelle, à chaque fois on s’y laisse prendre, on en redemande, car on sait bien au fond qu’elle a raison et qu’il est salutaire de monter dans le train de sa protestation.

Car il s’agit bien de protestation, d’une forme de révolte qui transforme son objet en dérision, mais le construit en combat d’outre-temps, d’outre-monde, d’outre-tombe, et part en guerre contre l’intrus : le factice, le superficiel, le vénal. Tel Don Quichotte peut-être enfourchant sa Rossinante pour partir à l’assaut de ses moulins à vent. On reste dans la droite ligne du titre précédent, Rêver debout, qui enracine l’engagement de l’auteure dans la quête du beau, du bien, du bon, du vrai, du juste telle que l’énonçait Aristote, toujours d’actualité si l’on en croit nos vrais penseurs contemporains. Une quête compromise par les pièges du factice qui semblent avoir pris le pouvoir sur la pensée, tant les impératifs du faire valoir et du faire semblant s’érigent en valeurs suprêmes d’un monde consumériste. Il y va d’une manifestation de la pulsion de mort sans doute, et d’un rêve subsidiaire, celui de l’immortalité, qui, comme Éros et Thanatos, se partagent la palette des valeurs mouvantes où se meut l’humanité en déshérence.

Si le ton est acerbe et l’humour fracassant, l’ironie jamais à ce point exercée par l’auteure, si les portraits sont grinçants, les personnages caricaturaux, les faits désopilants, ce n’est que pur constat d’une réalité qui dépasse la fiction. Mais aussi l’autre face d’une déclaration d’amour à l’humain que l’auteure n’a de cesse de cultiver, de traiter, de glorifier, tant dans sa vie de femme, son métier, ses écrits, son texte, sa culture et ses engagements. Elle se fait ici lanceuse d’alerte dans l’empire et l’emprise des technologies qui veulent coloniser le mental et la planète, abolir la culture, anéantir l’histoire et la mémoire. Ils s’en prennent pour ce faire aux fondamentaux de l’humaine condition, le langage, ici décervelé par les idiolectes des Novlangues qui rendent absolument idiots. En écho d’un « Meilleur des mondes » possible, promis depuis longtemps par quelques prédécesseurs prémonitoires de renom.

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