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Grains de sel
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Blog créé par l'Association pour l'autobiographie (APA) pour accueillir les contributions au jour le jour de vos vécus, de vos expériences et de vos découvertes culturelles.
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23 février 2023

L’hiver : une saison maudite pour les malheureux de l’indifférence

Abdellaziz Ben-Jebria

Je suis quelqu’un qui accueille habituellement l’hiver avec un enthousiasme chaleureux, car il m’évoque souvent d’heureux souvenirs de mon enfance et de mémorables journées de bonheur familial partagé avec nos bons voisins d’antan, grâce à la joyeuse ambiance qui entourait la traditionnelle cueillette des olives à la campagne environnante de mon village natal.

Avec mon enthousiasme hospitalier de l’hiver, j’aime aussi exalter les mérites de la saison hivernale pour la générosité de ses agrumes acidulés et énergisants, pour la profusion de ses légumes verts et de fibres abondantes, et pour la joliesse de ses oliviers accueillants et verdoyants qui annoncent chaleureusement l’ouverture de l’olivaison que j’adore contempler avidement et que je me réjouis d’y participer activement.

20230223gds-vie-abenjeb_lhiver_une_saison_maudite_MemdianteCependant, l’hiver n’est pas toujours aussi gai pour tout le monde, à commencer par les Clochards, appelés plus poliment les Sans-Abris ou encore plus correctement les Sans-Domiciles-Fixes (SDF), qui sont privés de logements chauffés, de vêtements adéquats et de nourritures suffisantes, et qui doivent endurer d’énormes souffrances, souvent aggravées par les rigueurs climatiques propres à l’hiver. Par conséquent, l’hiver est sûrement une saison maudite pour ceux-là. Mais, elle est aussi détestable pour d’autres catégories humaines qui sont abandonnées à leurs propres faiblesses, délaissées à leurs propres douleurs et lâchées à leurs propres sorts, dans l’insouciance, l’indifférence et quelques fois dans la négligence de leurs proches et leurs prétendus-amis.

Et pour étayer la tristesse de ce contexte sociétal, je voudrais évoquer aussi, en cette saison qui touche à sa fin et que j’aimais pourtant bien, trois désolantes histoires qui se sont passées aux États-Unis, en France et en Tunisie ; les trois pays que je connais bien. Elles diffèrent dans leurs déroulements, mais elles convergent vers la même fin tragique.

20230223gds-vie-abenjeb_lhiver_une_saison_maudite_Mitch-SnyderC’est d’abord l’histoire de Mitchell Snyder, un citoyen américain qui s’était dévoué pendant toute sa vie à défendre, avec acharnement, courage et persévérance, la cause des « homeless » (SDF). Mitch, comme on aimait l’appeler, a grandi à Brooklyn, New York, où il était abandonné par son père à l’âge de 9 ans. Mais après des petits jobs et des passages en prison, il s’était ressaisi en s’engageant avec d’autres anciens prisonniers à se former et apprendre comment agir intelligemment et stratégiquement pour défendre perspicacement et efficacement les misérables causes humaines en général et celle des « homeless » en particulier. Il était tellement sensible à celle-ci qu’il avait décidé de joindre, en 1974, l’association des sans-abris, « Community for Creative Non-Violence » (CCNV), à Washington DC. Mitch était devenu légendaire, « a man of action », lorsqu’il avait employé, en 1984, la faculté intuitive d’une bonne jugeote, et le courage endurant d’une longue grève de la faim (51 jours), pour forcer le Président Reagan à convertir un grand bâtiment fédéral vide en abri pour CCNV. Sa bonne tactique médiatique s’était avérée encore plus payante lorsque, deux jours avant l’élection présidentielle, Mitch avait aussi su bien préparer un bon segment de son passage à la célèbre émission « Sixty-minutes » du « CBS-TV show » pour sensibiliser l’opinion publique et en premier lieu l’administration Reagan qui avait accepté de dépenser 6 millions de dollars pour rénover le bâtiment qui devait abriter les 1200 « Homeless ».

Seulement voilà que le soir du 3 juillet 1990, pendant que je regardais les informations, « News-Hour », sur la chaine publique PBS, « Public Broadcasting Service », en dînant chez moi dans ma belle Pennsylvanie, j’étais surpris de voir et d’entendre mon journaliste préféré Jim Lehrer annoncer la mort de Mitchell Snyder, découvert pendu à une corde, quelques jours après son suicide, dans sa chambre qu’il occupait dans le même bâtiment que les autres « Homeless ». Il semblait que son suicide était le résultat d’une combinaison de plusieurs facteurs : il devait faire face à la déception de sa relation conjugale avec sa compagne de 15 ans de vie commune, Caroll Fennely, qui était malheureusement absente le jour de son ultime acte de désespérance ; il subissait aussi les effets délétères des problèmes impliquant certains membres de son groupe dans la drogue ; mais sa plus grande frustration résidait principalement dans la cause même à laquelle il s’était dévoué corps et âme, pensant peut-être naïvement ou inconsciemment qu’il pouvait un jour la résoudre définitivement. Mais, il s’était, semble-t-il, submergé, jour après jour, semaine après semaine et année après année, d’énorme stress qu’il l’avait manifestement accablé jusqu’à l’exhaustion, sans pour autant voir une issue finale pour ses « Homeless ». Ironiquement, personne de son groupe n’a pu détecter sa détresse pour lui porter secours avant sa fin tragique. Je me souviens encore que tout le monde le pleurât. Mais c’était trop tard, car il se trouvait désespérément seul et abandonné. Mitch n’avait que 46 ans.

20230223gds-vie-abenjeb_lhiver_une_saison_maudite_Rene-RobertC’est aussi l’histoire, très récente, de René Robert, un photographe franco-suisse de renom qui avait découvert cet art à l’âge de 12 ans en faisant un apprentissage chez un photographe lausannois. Et c’est en rencontrant, au milieu des années 60, une danseuse suédoise venue à Paris pour apprendre le flamenco qu’il a découvert cette jolie danse expressive et visuelle, devenue alors sa principale photographie argentique. Il en devenait l’un des grands portraitistes en photographiant, en noir et blanc, de célèbres chanteurs et danseurs chorégraphes flamencos tels que Enrique Morente, Fernando Terremoto ou Rocio Molina.

Mais malgré sa notoriété, sa renommée et sa popularité, René, le célèbre octogénaire photographe qui avait immortalisé des danseurs flamencos, s’est trouvé mort le 20 janvier 2022, allongé sur un trottoir de la rue Turbigo dans le quartier parisien de la République. Il semblerait qu’après son dîner, il est pris de malaise, pendant qu’il se promenait, et s’effondre en pleine rue. L’artiste avait agonisé 9 heures durant, sur le trottoir, dans l’indifférence générale des passants, avant qu’ironiquement un SDF ne s’inquiète pour prévenir les secours qui le transportent à l’hôpital parisien. Mais c’était trop tard ; René mourra d’une extrême hypothermie à l’âge de 85 ans.

Et c’est enfin l’histoire, relativement récente, de mes deux villageois, Mohamed et Adnane, qui se sont laissés mourir seuls chez eux dans l’isolement et l’absence de l’altruisme. Je ne connais pas Adnane, mais je connaissais bien Mohamed. Je l’avais connu à Paris lorsque j’étudiais à Jussieu et j’habitais dans l’impasse du 29 rue Buffon dans le 5e arrondissement. Mohamed travaillait à l’époque dans le beau Jardin des Plantes que je traversais presque quotidiennement puisqu’il se situe juste entre ma rue Buffon et mon Université P.M. Curie. Je me souviens encore lorsque Mohamed se plaignait, à plusieurs reprises, des conditions sanitaires de son travail au petit zoo du Jardin public. Il me racontait que l’administrateur lui promettait que s’il réussit, en auditeur libre, le Certificat d’Études Primaires (CEP), il le transférerait dans le secteur propre des archives. J’avais aidé Mohamed pour atteindre cet objectif, mais la promesse de son patron demeurait sans suite. Mohamed était un homme socialement discret, mais calme et reposé dans ses relations humaines ; nous étions de bons amis. Je regrette que le manque de compréhension socioculturelle de la part de l’autrui le plus proche l’ait conduit à jeter l’éponge. À l’évidence, dans ces deux cas de mon village natal, on n’était pas à la hauteur de comprendre leur désarroi, leur angoisse et leur détresse, pour les secourir à temps.

Alors, pour apaiser mon esprit, je me laisse bercer par mon mémorable Claude Nougaro, dans son cool style, avec sa jolie chanson : « Clodi-Clodo ».

Litron dans la poche                    Ensuite il allonge
Traînant la galoche                      Plein comme l’éponge
Voici que s’approche le clodo         Sa carcasse et plonge
Sa carcasse et plonge                    L’est de l’eau
Tous les quinze mètres                 Dans une ronflette
Minute, il s’arrête                       Avec sa liquette
Pour visser sa tête à son goulot      Hors de sa braguette anti-porno
Sur un banc bien stable               Car pour lui le sexe,
De l’avenue Junot                       C’est plus qu’un tuyau
Il se met à table                         Fait pour qu’on déverse
Sort son livarot                         Du champagne chaud
Et malheur aux mouches            Car pour lui, la femme,
Qui ont l’eau à la bouche            C’est plus au programme
Il fait toujours mouche                De sa vie d’infâme
Il les tue d’un rot                       Chiqueur de mégots

                        Soyons bonne poire

                       Versons un pourboire

                      Clodi clodo Clodi clodo

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