Ma mère
Mireille Podchlebnik
En allant sur le blog hier tardivement, j’ai découvert plusieurs textes en retard de lecture. Des textes qui, comme souvent, ont fait écho à mes pensées et à mon histoire.
La recherche annuelle du nouvel agenda le plus adapté à des besoins qui évoluent est toujours un grand moment d’hésitation quant à son format, sa couleur, sa présentation… et comme en général, toujours hésitante, je n’achète pas du premier coup celui qui me convient le mieux, je me retrouve souvent avec 2 agendas dont l’un reste la plupart du temps en plan, car les personnes qui m’entourent, les plus jeunes surtout, n’en utilisent quasiment plus !
Le récit de Bernard sur la mort de son père m’a renvoyé, comme pour beaucoup d’entre nous, au décès de mes parents, disparus il y a déjà bien longtemps.
En 2024 il y aura 30 ans que ma mère est morte brutalement à l’hôpital Henri Mondor par défaut de soins. Je me souviens que se jouait la Coupe du monde de football 1994, un été durant lequel l’équipe médicale des urgences était plus préoccupée à suivre les matchs sur le petit écran qu’à gérer la souffrance des patients. J’allais mendier pour elle des antalgiques et davantage d’attention alors que seul un acte chirurgical en urgence aurait pu la sauver. Elle avait 68 ans, un âge qui sera bientôt le mien.
C’était une femme forte, du moins en apparence, elle ne s’en laissait pas conter et tenait le foyer à bout de bras, comme beaucoup de femmes de cette génération. Généreuse, chaleureuse et aimante, elle organisait des repas familiaux délicieux qui rassemblaient une famille réduite et assez disloquée !
La période qui suivit me laissa dans un brouillard absolu, mon plus jeune fils avait 8 mois, l’aîné 3 ans et mon père qu’elle avait toujours assisté se retrouva seul avec de nombreux problèmes de santé que ma sœur et moi allions devoir gérer.
Le week-end qui suivit cette perte douloureuse et traumatisante, un ami nous invitait à déjeuner et, un peu à la manière de Bernard qui décrit une impression de schizophrénie, je me trouvais présente aux autres sans vraiment être là, flottant entre deux mondes. Cette sensation dura un certain temps et pour « supporter », j’écrivais jour après jour sur un grand cahier mes ressentis et mon quotidien. L’écriture et, en particulier la poésie, étaient mon baume et m’aidaient à tenir.
À l’ombre de ma joie
Elle veillait
À l’ombre de moi
À l’ombre de ma vie
À l’ombre de ma joie
Elle portait
Les rêves et la poésie
La liberté, les souvenirs
Elle allait
Sur une mer
Écaille
Un océan de jade
Lumineuse
Comme une sirène
Façonnée
Par l’aube et le crépuscule
Protectrice comme une caresse
Aimante comme une mère
Elle était
Étoile sur le chemin
L’inaccessible destinée
Éternelle et éphémère
Il en fut de même, 11 ans plus tard, lorsque mon père quitta ce monde dans le même hôpital.
Je ne me sens pas encore prête à relire ces cahiers pourtant récemment extirpés du fond des placards et photographiés pour le blog, mais un jour viendra…