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30 janvier 2024

Plaisir du roman : Leçons de Ian McEwan

Bernard M.

Bien que j’aie, sur la desserte sur laquelle sont mes PAL (Piles à lire), deux gros dossiers autobiographiques sur lesquels je dois travailler, je me suis ces derniers jours plongé avec délectation dans un gros roman. Cela fait du bien de s’évader un peu plus loin que nos petites « vies ordinaires » aussi intéressantes et pleines de rebondissements soient-elles parfois…

C’est aussi bienvenu dans ce moment d’immobilité forcée à la suite de mon opération. C’est une période propice à une lecture en continu d’un gros volume, je n’aime pas bien traîner sur un roman ce qui arrive lorsque la lecture s’effectue dans une période très occupée par ailleurs. Là j’ai pu chaque jour m’avaler des tranches d’une cinquantaine de pages, ce qui m’a permis de rester en permanence connecté au livre.

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Il ne faut pas loin de 700 pages à Ian McEwan pour délivrer ses Leçons qui en vérité n’en sont pas, à moins qu’il ne faille les prendre d’une façon ironique, ce qui conviendrait bien pour un auteur qui fait preuve constamment, tout en brassant les sujets les plus sérieux, d’un plaisant sens de l’humour. Car Roland Baines, l’antihéros dont on suit toute la vie n’a évidemment pas de leçons à nous donner sinon celle que la vie suit son propre cours, de hasard en hasard, sans être plus que cela déterminée par ce que seraient les choix raisonnés du personnage, un homme qui, au fil de ses désillusions, souligne le caractère « informe » de son parcours.

L’une des richesses du livre et qui contribue à son intérêt est de mêler le récit de vie du personnage avec les grands événements qui ont marqué l’histoire. Si adolescent il plonge dans une aventure amoureuse initiée par sa professeure de piano Miriam Cornell, véritable détournement de mineur, c’est parce que nous sommes en pleine crise des missiles en 1960 et que plane brièvement sur le monde la crainte de la guerre nucléaire et qu’il faut vivre à tout prix. C’est au cours d’un de ses voyages nombreux en 80 et 81 des deux côtés du mur de Berlin qu’il tombe amoureux d’Alissa, une jeune femme germano-anglaise, dont le père fut un des membres du groupe d’opposition au nazisme La Rose blanche. C’est pendant que passe le nuage de Tchernobyl au-dessus de l’Europe que celle-ci le quitte sans préavis et sans explication pour repartir en Allemagne pour y accomplir sa vocation d’écrivaine, le laissant seul avec Lawrence, son bébé de quelques mois. C’est dans l’euphorie de la chute du Mur en 1989 qu’il la croise brièvement à nouveau. Le voici dans le climat optimiste des années 1995, alors que la Labour de Blair s’apprête à l’emporter sur une Margaret Thatcher honnie puis plein de désillusion dans les années qui suivent. Le voici s’installant avec son amie Daphné et vivant quelques années avec elle avant qu’elle ne soit rattrapée par le cancer. Le voici allant répandre les cendres de celle-ci dans une petite rivière du Lake District, dans un lieu où ils se sont aimés et y rencontrant l’ancien mari de Daphné, enrichi et devenu un ponte conservateur et brexiter. Ce sera l’occasion d’une scène de comédie noire comme les aime McEwan, les deux hommes s’empoignant rudement pour savoir qui des deux aura le privilège de disperser les cendres. Le voici, vieux monsieur se protégeant du covid en 2020, mais allant rendre visite entre deux confinements à Alissa mourante…

Bien évidemment la narration ne suit pas un tel ordre chronologique. L’auteur nous promène avec une grande fluidité entre les pays et les époques, en décrivant les ambiances, donnant les ressentis de son personnage sur le moment comme dans les réminiscences qui lui en viennent plus tard, y plaçant des évocations fouillées des trois femmes de sa vie à divers moments de leur propre existence.

Le roman n’est pas sans quelques points de contact avec la vie de l’auteur. Ainsi Roland est né la même année que lui à Aldershot dans le Hampshire au sud de l’Angleterre d’un père militaire. La famille passe plusieurs années en garnison en Lybie avant que le jeune garçon ne soit envoyé en pension en Angleterre à Woolverstone Hall School près d’Ipswitch dans le Suffolk que l’on retrouve dans le roman sous le nom de Berners Hall. Comme dans le livre, il apprend sur le tard qu’il a un frère caché, conçu pendant la guerre alors que le premier mari de sa mère combattait sur le continent. La note de remerciements à la fin du livre adresse un chaleureux salut à tous les élèves et enseignants de Woolverstone. Mais, dit-il, « aucune enseignante de piano du nom de Miriam Cornell n’y a jamais enseigné », marquant bien par là le caractère romanesque de son entreprise.

Les dernières pages sont assez sombres. Roland vieilli et qui éprouve des difficultés à se mouvoir, est confronté à nombre de décès de personnes de sa génération. Mais le livre se termine tout de même sur une note joyeuse. Roland est bien entouré par sa famille et en particulier par celle de son fils, même si celui-ci vit en Allemagne la plupart du temps. Tous se retrouvent pour une fête familiale entre deux confinements et il noue une grande complicité avec sa petite fille Stéfanie. Et le livre s’achève sur ces mots : « Elle lui parla doucement de cette voix chantante, cajoleuse […] “Komm Opa. Hier lang” Viens grand-père. C’est par là. Les sourcils froncés par l’inquiétude, elle prit sa main libre dans la sienne et lui fit traverser la pièce ».

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Commentaires
E
J'aime beaucoup les romans de Ian McEwan, j'en ai lu plusieurs. Je recommande notamment "L'intérêt de l'enfant", belle histoire d'un dilemme judiciaire.
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E
Merci Bernard pour ce beau texte et la dénomination des PAL,manie que je partage depuis X années; je remarque que j'ai moins de temps pour la lecture que quand je travaillais ! Comme je dois aussi me faire opérer un Hallux valgus invalidant, j'en profiterai pour faire descendre la PAL...mais comme nous habitons à côté du Parc Brassens et son marché aux livres du w.e.,des trésors sont à portée de mains pour rempiler...
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E
J'aime beaucoup les romans de Ian McEwan, j'en ai lu plusieurs. Je recommande notamment "L'intérêt de l'enfant", belle histoire d'un dilemme judiciaire.
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