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Grains de sel
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Blog créé par l'Association pour l'autobiographie (APA) pour accueillir les contributions au jour le jour de vos vécus, de vos expériences et de vos découvertes culturelles.
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25 mars 2024

Chroniq’hebdo | Des frères Van Gogh, d’un film, d’une revue de poésie et de l’APA

Pierre Kobel

J’ai relu le C’était mon frère… de Judith Perrignon, récit dans lequel elle revisite la relation entre Théo et Vincent Van Gogh en donnant la parole au premier à partir de la correspondance des deux frères. J’aime l’écriture de Judith Perrignon, comment elle raconte l’histoire dans Victor Hugo vient de mourir, comment elle accompagne Marceline Loridan-Ivens ou Gérard Garouste pour les aider à mettre de l’ordre dans leurs souvenirs. Quelle comparaison puis-je faire entre ces mémoires ordonnées, construites et nos journaux écrits au quotidien, dans la confusion de la mémoire, dans une subjectivité totale qui fait leur charme, mais peut-être pas toujours leur intérêt ? Mais je sais que là, c’est mon tropisme littéraire qui prend le dessus et que je dois me méfier de tout jugement de valeur.

Je ne me souviens pas de ce que j’en avais éprouvé à ma première lecture, mais là ce fut une violente émotion. Il y a dans l’aventure de ces deux frères quelque chose de sublime jusqu’au tragique. Le mort de l’un pour s’être tiré une balle dans la poitrine, celle de l’autre dans les abysses de la folie sous les coups de la syphilis et du désespoir, n’enlèvent rien à ce qui subsiste de leur fraternité.

Non seulement Vincent Van Gogh fut et reste un artiste extraordinaire, j’ai envie d’écrire, à la hauteur de la reconnaissance qu’il n’a pas connue de son vivant, mais il le fut parce que l’homme était extraordinaire. Sa perception du monde, d’autrui, de la nature, telle qu’il l’exprime dans son art, fut possible parce qu’il refusait la banalité et la bienséance.

« Qu’est-ce que c’est que ce rang social, qu’est-ce que cette religion dont les gens honorables tiennent boutique ? Oh, ce sont simplement des absurdités qui transforment la société en une espèce d’asile d’aliénés, en un monde à l’envers. »

Ailleurs, Perrignon cite Hugo : « Si l’on rudoie l’utopie, on la tue… » dans Quatre-vingt-treize. Vincent était possédé par l’utopie d’un monde meilleur qu’il traduisait par sa peinture. Et Théo écrivait à propos de lui :

« Tu me demandes ce que je pense de Vincent, il est de ceux qui ont connu le monde de près et s’en sont retirés. Il nous faut attendre qu’il prouve son génie auquel je crois. »

Théo a cru jusqu’au bout au génie de Vincent et la mort de ce dernier signifia sa fin. Grâce soit rendue à Johanna Bonger, son épouse qui sut ne pas les oublier et travailler ardemment à la reconnaissance du génie de Vincent et permit de les réunir dans le petit cimetière d’Auvers.

Utopie, c’est bien le mot qui convient à ces deux frères, à l’art de l’un, à la foi inébranlable de l’autre pour son aîné. Utopie comme je voudrais pouvoir y croire encore aujourd’hui quand je suis rattrapé par le quotidien, quand je me sens menacé par la société qui se perd dans la violence et les extrémismes. Utopie qui est ma seule respiration pour ne pas étouffer de colère et de déception, pour tenir, croire encore et toujours à un avenir possible. Utopie au-delà de la sagesse, des conventions, des compromis(sions), utopie pour et pas contre.

*

C’est d’abord un pique-nique familial au bord de l’eau, c’est encore la vie de cette famille confortablement installée dans une maison de fonction à côté de l’entreprise que le mari dirige. Cette entreprise, c’est le camp d’Auschwitz, il est Rudolf Höss, son commandant en chef. Dans La zone d’intérêt, le film de Jonathan Glazer, on ne voit rien ou presque de ce qui se passe au-delà du mur. Tout est perçu par les bruits, les cris, les aboiements des chiens et la fumée du crématoire. L’horreur invisible, ramenée à la mesure de la gestion comptable, matérielle, des ambitions contrariées ou récompensées, des soucis domestiques totalement inconscients de l’inhumanité voisine qui l’enrichit sans qu’elle la voie.

Il y a dans ce film une construction-déconstruction qui efface la réalité sordide et la réduit seulement à une sourde menace sonore.

Un film fort qui rappelle l’ordinaire de la tyrannie, la norme de l’aveuglement dans les sociétés trop policées.

*

Le numéro 1 de la revue Libres Mots est en ligne. Il est accessible au téléchargement et je me sens libéré des appréhensions des derniers jours avant cette publication. Une nouvelle aventure qui relance ma passion pour la poésie. Aventure, oui, car c’est un pari avec des parts d’inconnu. C’est aussi un travail d’artisan, des heures à faire des choix de textes, à en trouver le meilleur agencement, à laisser ouverte la palette des écritures en essayant de toujours tirer vers le haut.

Ce numéro sort alors que se déroule le Printemps des poètes qui n’aura pas été perturbé outre mesure par l’affaire Tesson et la démission de Sophie Nauleau. Le hasard des dates fera que le numéro 2 sera en ligne durant le Marché de la Poésie. Avec mon ami Éric, nous n’aurions pas pu nous inscrire plus dans la vie de la poésie et cela ajoute à ma satisfaction.

*

Week-end APA. AG, table ronde, CA, bureau. Les réunions s’enchaînent pendant plus de deux jours. Occasion de revoir les amis, de faire le point sur la situation et les perspectives de l’association. J’aime ces retrouvailles malgré la fatigue qu’elles provoquent. Samedi après-midi se tenait la table ronde annuelle dont le sujet, cette année, a déjà été abordé dans Grains de sel : « Écrire la sexualité ». Ce fut un moment très enrichissant tant par la qualité des intervenants que par celle de leurs propos. Cela me renforce dans l’idée qu’il nous faut savoir aborder des sujets difficiles et sensibles alternativement avec d’autres, plus consensuels. Parmi les invitées, Catherine Millet dont La vie sexuelle de Catherine M. m’avait troublé lorsque je l’avais lu en 2001 tant il décrivait un univers et des pratiques éloignées des miennes. De plus cette sexualité avait quelque chose de mécanique totalement différent de ce que je recherchais. Hier Catherine Millet a très bien expliqué que son souci ne fut jamais de choquer, de s’exhiber ou de revendiquer, mais seulement de témoigner et elle a su le faire avec des mots justes et sincères.

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