Lassitudes
Bernard M.
Que les jours sont rythmés ! Que ces rythmes, de jour en jour repris, sont pesants, déprimants…
Le matin ce sont plutôt les mails, les tâches administratives personnelles ou pour mon père, les divers boulots pour l’APA, les courses alimentaires. Après le déjeuner, d’abord la lecture un peu comateuse du Monde sur le canapé du salon (il arrive que je m’assoupisse). Puis la promenade rituelle. Ensuite la lecture, l’écriture, dans des domaines plus personnels. Après le dîner, le moment télévision puis encore un peu de lecture…
La balade à pied ou à vélo de l’après-midi est indispensable. S’arracher à l’immobilité, aux écrans, aux bouquins… Et pourtant j’ai du mal à démarrer. D’autant plus que le temps se fait moins beau ces jours derniers. De la grisaille. Le pénible vent d’autan. Mais ce n’est pas la raison profonde. La lassitude, les lassitudes plutôt. Lassitude de la situation. Lassitude de la répétitivité. Lassitude des horizons bornés et de reprendre plus ou moins toujours les mêmes chemins. Souvent le plaisir vient après, une fois la machine mise en route, plaisir du corps en mouvement, plaisir des minuscules spectacles de la nature, une belle branche d’arbre secouée par le vent, un joli coup d’œil sur la campagne ou sur les ciels… Pas toujours… Pas aujourd'hui…
Bon, en rentrant on a échangé notre mantra habituel :
« Ça fait du bien, quand même !»
Ça fait du bien. Quand même. Mais le cœur n’y était pas.
Demain pourtant il y aura cette première étape de déconfinement, la possibilité d’aller un peu plus loin, de sortir un peu plus longtemps. On prendra la voiture, on ira au lac et au-delà sur les pentes de la Montagne Noire, sans avoir à craindre la maréchaussée…
Mais ça ne suffit pas. On ne parvient pas à se réjouir vraiment. Cela s’inscrit toujours dans une espèce de lassitude de tête, bien plus profonde, bien plus envahissante, la lassitude peut-être de cet « annus horribilis » de la crise sanitaire, de la crise économique, du terrorisme, des débordements policiers, des menaces écologiques… Et qui fait se retourner presque avec nostalgie vers le premier confinement en se disant : « mais bon sang, alors, c’était un temps presque joyeux ! »
Bon, allez, on va se secouer. Écrire est déjà une façon de se secouer !