Bibliothèque
Bernard M.
Valoriser l’idée d’avoir dans sa bibliothèque plus de livres qu’on ne saurait en lire ! Jamais ça ne m’était venu cette pensée et ça m’a amusé de la découvrir dans le billet de Pierre sur les livres et la lecture. Amusé et, d’une certaine façon, déculpabilisé.
Car je me suis souvent senti, quant à moi, plutôt mal à l’aise face à l’accumulation de livres et d’autant plus, les années passant, que se restreint la perspective de pouvoir jamais tous les lire.
Il y avait ce rituel des trois Pléiades annuels, pour pouvoir aussi accumuler les Albums Pléiade, hors commerce mais offerts avec l’achat de trois volumes de la collection (quelle excellente idée commerciale !) ; il y avait les déambulations envieuses chez les bouquinistes et vendeurs d’occasion ou sous les halles du parc Georges Brassens, les envies non satisfaites, le plus souvent, et celles qui l’étaient parfois, au grand dam de mon portefeuille ; il y a avait la subtilisation, discrète et néanmoins culpabilisante, de vieux volumes dans les maisons bourgeoises des grands-parents de D. J’adorais plonger dans les bibliothèques et ne résistais pas parfois à glisser dans mes affaires avant le départ tel vieux volume qui m’avait fait de l’œil. Pour me donner moins mauvaise conscience, je me disais qu’il valait mieux que ces livres se retrouvent chez moi qui les choieraient, plutôt que dans les mains de brocanteurs qui viendraient vider les maisons ou tombant sur on ne sait qui au hasard des partages...
J’étais content d’avoir tous ces bouquins. J’ai lu quelques œuvres quasi complètes, grâce aux Pléiades. Mais je n’ai pas tout lu, loin de là. J’ai feuilleté plutôt que lus bien des livres achetés en librairie, dans les marchés d’occasion ou récupérés ici ou là. J’ai laissé certaines des PAL (les fameuses Piles à Lire) qui encombraient mon bureau ou ma chambre s’empoussiérer avant de les caser dans des rayonnages. Et je ne manquais pas de me dire parfois : c’est insensé cette accumulation, n’achète pas plus que tu ne peux lire. Et même, allège-toi, allège-toi…
Je ne l’ai pas fait. Je garde tous mes livres, les lus et les non lus, ceux que je lirai peut-être et ceux que je ne lirai certainement pas. J’ai la chance d’avoir migré dans une grande maison, où le problème de place ne se pose pas, où, en répartissant les livres dans plusieurs grandes et hautes pièces, je n’ai même pas l’impression, contrairement à ce qui se passait quand j’habitais à Paris, d’être envahi, voire étouffé, par les bouquins. Ils sont là et forment une compagnie désormais discrète et plutôt amicale. J’ai plaisir à les ressortir à l’occasion, pour aller vérifier quelque chose, voire pour me replonger dans une lecture, notamment après avoir vu un film, une émission de télévision inspiré par eux. Bien sûr il y a Wikipédia aussi mais c’est un autre plaisir d’aller ressortir le bouquin lui-même, de le feuilleter, de le mettre sur sa table de nuit pour une plongée nocturne.
Mais tout de même j’ai pris de la distance avec la volonté d’accumulation des livres et avec le malaise qu’elle pouvait générer. Je n’achète plus que ce que je pense lire à relativement brève échéance et mes PAL sont devenues raisonnables…
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