Hommage aux poilus
Anne-Marie Krebs
Le texte de Pierre Kobel à propos de son grand-oncle mort pendant la « Grande Guerre » et dont le corps vient d’être retrouvé, m’a rappelé un autre poilu, mon oncle Arthur, un frère de mon père… Moi aussi, je pense souvent à cette guerre que mon propre père, mobilisé en octobre 18, a évité de justesse, mais que quatre de ses frères ont faite, l’un d’eux, Jean, y est mort à 20 ans.
Arthur en est revenu et pendant son service militaire, de 1914 à 1919, il a été en Argonne, à Verdun, en Champagne, au Chemin des Dames et enfin en Alsace, on n’a jamais compris dans la famille par quelle chance incroyable il s’est est sorti sans blessure trop grave. Durant toute cette période, il a écrit de nombreuses lettres à ses parents, sa sœur, et d’autres membres de la famille. Ces lettres, illustrées d’aquarelles d’Hervé, l’un de ses frères, ont été éditées par un petit-fils d’Arthur.
La plupart se veulent rassurantes, Arthur ne veut pas trop inquiéter sa mère qui a perdu un fils en 1916. Il parle beaucoup d’intendance, remercie pour les colis de nourriture ou de linge ; évoque ses camarades d’infortune et surtout le temps : la pluie rend les tranchées invivables : « dans le genre de vie que nous menons, ferait-il sec pendant des années, on ne demanderait jamais la pluie ». Le froid est douloureux : « pendant mon avant-dernière permission, vous nous annonciez un hiver très froid. Nous subissons un peu durement la réalisation de ce pronostic. Il est vrai qu’à mon âge on souffre peu du froid et j’aimerais même ce temps sec s’il ne contrariait un peu le travail. On ne peut rien écrire longtemps sans être obligé de marcher pour relancer de temps en temps un peu de chaleur dans les pieds et les mains. ». Mais la chaleur aussi est pénible : « Depuis hier nous sommes en première ligne, petits postes entonnoirs et la chaleur est torride surtout ici où l’on est toujours en armes et où il n’y a pas d’ombre. »
Sous l’insouciance des propos, on perçoit cependant que le danger n’est jamais loin : « Ce matin, paraît-il, il est tombé des obus dans le cantonnement, mais je dormais si bien que je n’ai pas entendu. » ou bien, alors qu’il est dans un nouveau cantonnement qu’il décrit comme plutôt agréable : « Le chemin de fer passe à côté de nous et tous les matins les Allemands s’amusent à bombarder la ligne. On se passerait bien de cela au repos ».
On trouve aussi des passages poignants sous la plume d’un jeune homme de 20 ans : « Quels crimes l’humanité a-t-elle commis pour subir de pareils supplices ? »… « Si vous voulez vous faire une idée de la vie que je mène, relisez Les derniers jours de Sébastopol. »
À la suite de Pierre j’ai eu envie de rendre hommage à ces hommes dont la jeunesse, quand ce n’est pas la vie ont été sacrifiées. Leur confinement a été autrement éprouvant que le nôtre.
Internet
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Gallica | Les derniers jours de Sébastopol de Fernand Burier