La force des mots
Pierre Kobel
Ce vendredi quand j’ai entendu François Morel, dans son billet hebdomadaire, évoquer le nouveau livre d’Yvon Le Men, La Bretagne sans permis, j’ai levé le nez du livre que je lisais : La clé de la chapelle est au café d’en face d’…Yvon Le Men ! J’aime l’homme et j’aime sa plume. Nous avons en commun un ami poète et éditeur et nous échangeons au gré des festivals et de quelques courriers.
Yvon est poète, mais depuis Vie son premier livre, il n’a cessé d’entrelacer la poésie qui lui est constitutive et des récits de vie qui l’enrichissent et sont aussi l’ADN de son écriture.
Profondément enraciné dans sa Bretagne natale, il est ouvert à un monde qu’il a parcouru au fil des rencontres, de la Chine à l’Afrique, de l’Amérique latine à Saint-Malo où il est responsable de l’espace poésie du festival Étonnants voyageurs.
J’aime et je m’attache de plus en plus à ces artistes qui disent l’existence au-delà des apparences sans jamais rien renier du quotidien. Car si l’on veut bien regarder en face, ce sont les mots qui font le récit de nos vies. C’est parce qu’il y a une langue pour dire que la toile des mots prend sens et consistance, dans le tissage des formes et de ce qu’elles portent. La même anecdote, le même fait, le même portrait peut rester sans saveur ou parler à tous selon la plume qui le raconte.
Dans La Bretagne sans permis, lorsqu’il raconte l’enterrement du chanteur Yann-Fãnch Kemener, ses tribulations avec Alexis Gloaguen, « son frère en VSP », lorsqu’il plonge dans les souvenirs anciens ou s’attarde aux paysages, lorsqu’il use de la prose ou de la poésie, Yvon Le Men fait voyager dans un pays qui abolit les frontières, sinon physiques, du moins culturelles et spirituelles.
Par la force des mots.
« Dans les champs les vaches nous regardent et nous regardent encore avec une lenteur que je dirais poétique, ce bel adjectif que l’on met à toutes les sauces, littéraires et cuisinières, cinématographiques et chansonnières. Alors pourquoi pas les vaches ? Elles nous voient, nous revoient qui passons, repassons et trépasserons si ça ne continue pas. Elles finissent par nous connaître, nous reconnaître, nous comprendre. Si elles pouvaient applaudir de leurs sabots, elles le feraient. Pour nous encourager. »
In La Bretagne sans permis, © Ouest-France, 2021, p.70
Internet
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Wikipédia | Yvon Le Men
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Site personnel d’Alexis Gloaguen