Écologies
J-Y Despres
Comme une grande majorité de nos compatriotes, je pense que l’écologie mérite mieux que le triste sort qui lui est fait aujourd’hui en France. Certes, dans les rayons de nos supermarchés les emballages verdissent, les journaux municipaux se parent d’un vocabulaire nouveau aussi vertueux que les résolutions de début d’année (le préfixe « éco » est particulièrement prisé : éco-citoyen, éco-responsable, éco-compatible…), les sommets internationaux ne cessent de tirer des sonnettes d’alarme, de clamer que demain doit être un nouveau jour pour la planète et l’homme le plus populaire de France reste indéfectiblement Nicolas Hulot. Bien sûr, on est un peu ébranlé par la réalité de l’écologie politique : affrontement d’ego, ambition forcenée et souvent incompétence avérée, et surtout soumission à des idéologies douteuses.
Il est vrai que l’écologie avant d’être un courant d’idées ou une doctrine demeure une science, complexe, au vocabulaire savant et se référant à des disciplines scientifiques multiples. Et malgré la passion qui nous anime à l’endroit de M. Hulot, bien des enquêtes et des études montrent le peu d’intérêt (et de compétences…) des Français pour les sciences. C’est pourquoi la parution du n° 5 de la revue Front populaire, consacré aux écologies (le pluriel est déjà un indice de sa rigueur intellectuelle) m’a semblé providentielle. J’ai apprécié la diversité des contributeurs, variété des points de vue bien sûr, mais surtout variété de formation et de statuts : beaucoup de (vrais) scientifiques (ingénieurs, chercheurs, universitaires…), des philosophes (M. Onfray, fondateur de la revue, mais aussi L. Ferry et nombre de personnes non médiatiques, mais qui ont beaucoup réfléchi et publié), des juristes… Plusieurs ont également une caractéristique, à mes yeux essentielle : ils ont une approche conceptuelle (sans quoi ils n’écriraient pas) et ils ont aussi (ou ont eu) une pratique ancrée dans le réel en relation étroite avec une écologie concrète (maraîcher, éleveur, agriculteur, entrepreneur…). Ce sont en effet des gens qui connaissent réellement le sujet et, pour eux, le souci de la nature est primordial et non un moyen de faire carrière. J’ai beaucoup appris en lisant ce volume, mais j’ai surtout fait une ample moisson de noms, de titres, de références : pas de doxa, pas de tabou, pas de compromissions ni de « petits accommodements » au nom de l’idéologie. Ces articles m’ont conduit à des livres, anciens ou récents, à des découvertes sur Internet, loin des vociférations et des oukases. J’ai lu, j’ai parlé avec mes proches : que de richesses dans ces confrontations, même si elles ont été parfois « animées » ! Bref, j’ai désormais matière à me faire un avis personnel, documenté et argumenté : n’est-ce pas là le but d’une revue honnête comme le faisait encore naguère la regrettée revue Le Débat ?
Je termine par une brève citation de la philosophe Bérénice Levet qui ose affirmer que l’urgence écologique est évidemment de protéger l’intégrité du monde, mais aussi de sauver la beauté du monde : « À quoi bon sauver la planète si c’est pour vivre dans un monde enlaidi ? Souvenons-nous des mots de Jean Giono : “ La beauté est la charpente de l’âme. Sans elle, demain, l’homme se suicidera dans les palais de la vie automatique ” ».
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