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Grains de sel
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Blog créé par l'Association pour l'autobiographie (APA) pour accueillir les contributions au jour le jour de vos vécus, de vos expériences et de vos découvertes culturelles.
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8 octobre 2021

Modiano

Anne-Marie Krebs

20211008gds-mots-amkrebs_modianoPlaisir ce matin en allumant France-Culture d’entendre Patrick Modiano interviewé par Guillaume Erner. C’est toujours un bonheur pour moi d’écouter cet écrivain, au débit incertain et au phrasé si hésitant qu’il donne l’impression, à chaque mot, de se demander si c’est bien celui qui convient. Ses phrases presque toutes inachevées disent pourtant des choses fondamentales sur l’écriture, l’imaginaire, la mémoire. Chez lui imagination et mémoire sont si mêlées qu’il ne peut distinguer écrits autobiographiques et romans.

L’écriture, dit-il, est une « réaction contre l’oubli » dans laquelle il cherche à « récupérer des bribes du passé sur un fond d’oubli général ». Cette démarche, il la poursuit à travers tous ses romans où l’on retrouve, souvent dès le titre, cette idée d’une recherche tâtonnante du passé : Du plus loin de l’oubli, Quartier perdu, Vestiaire de l’enfance, Dans le café de la jeunesse perdue, Souvenirs dormants, c’est toujours d’errance entre passé et présent qu’il s’agit… De livre en livre la même quête fiévreuse, la recherche de personnages louches, bizarres, à partir de numéros de téléphone retrouvés dans de vieux annuaires, d’adresses notées sur d’anciens calepins. Les souvenirs s’embrouillent, se télescopent, des ombres se croisent, se perdent.

On sent la souffrance d’une enfance malmenée, qu’il a racontée dans Un pedigree, récit poignant considéré comme autobiographique ; mais là encore Modiano conteste : « L’autobiographie, c’est quasiment impossible… Une autobiographie c’est une fiction qui ne correspond pas tout à fait à la réalité. La réalité est peut-être plus simple. »

Je trouve très juste cette idée que « on ne peut pas se détacher de l’imaginaire et du roman. Les endroits sont réels, mais il y a une manière de les voir, de le faire basculer dans l’imaginaire. » Écrire sa vie c’est en faire un roman…

Et de livre en livre, il poursuit cette quête : « Je commence sans savoir très bien où je pars. On se demande si on doit continuer… il faut trouver un moyen de continuer même si vous voyez quelque chose qui cloche. » Il dit la souffrance de l’écriture et sa nécessité, il se demande ce qu’il aurait pu faire d’autre qu’écrire…

Du beau jeune homme qu’il était au septuagénaire d’aujourd’hui, c’est toujours la même gentillesse et une modestie inattendue chez un écrivain reconnu et admiré, qui a reçu le prix Nobel. Il dit que tout petit, il voulait écrire pour que les adultes soient obligés de l’écouter… « On avait l’impression que les adultes ne vous écoutaient pas. On était tellement intimidé qu’on bredouillait », ce bredouillement ne l’a pas quitté, mais maintenant on l’écoute, car, dit-il encore, « écrire c’est parler sans être interrompu », et quand on a lu ses ouvrages, ces phrases si parfaites, cette atmosphère qui vous saisit dès les premières lignes, on a envie de prolonger le ravissement en écoutant l’auteur… il y a bien quelque chose d’envoutant dans cette façon unique de s’exprimer. Il définit l’écriture comme « une démarche un peu titubante qui entraîne le lecteur », on la retrouve dans ce discours hésitant, dans cette angoisse qui sourd de ces phrases interrompues.

Et il laisse le dernier mot au lecteur qui, dit-il, est « le dernier auteur du livre, car il a une vision d’ensemble. »

Sur ce je suis allée acheter Chevreuse chez le libraire le plus proche. Et très vite je suis dans l’ambiance modianesque, dans cet éclairage qui donne de la valeur aux mots : « Chevreuse. Ce nom attirerait peut-être à lui d’autres noms, comme un aimant. »

Merci Patrick.

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