À la recherche des pâtisseries perdues
Martine B.
En ce début d’année m’est venue l’idée d’écrire un texte inspiré à la fois d’un poème de Rutebeuf (que j’aime écouter chanté par Léo Ferré) et la contemplation des vitrines de pâtisseries de luxe de Chamonix.
Ce n’est pas vraiment un poème comme ceux, superbes, que je lis dans notre blog, mais tout simplement une chansonnette comme celles que je composais dans les années 80 en grattant ma guitare faites de malices et d’auto dérision.
Les nouvelles pâtisseries haut de gamme alignées en vitrine de la station de ski, nettes et sans bavures, froides, géométriques, n’éveillent en moi aucune sensation, aucun souvenir, aucun désir, elles n’ont pas d’âme.
Nostalgique de l’absence et la saveur des mes pâtisseries introuvables, j’ai pensé au célèbre texte de Marcel Proust (aujourd’hui bien galvaudé) concernant « ces gâteaux courts et dodus appelésPetites Madeleinesqui semblaient avoir été moulées dans la valve rainurée d’une coquille Saint-Jacques » qui, prises à l’heure du thé, furent suivies « d’un plaisir délicieux isolé sans la notion de sa cause. » qui avait rempli Marcel Proust « de la même façon qu’opère l’amour d’une essence précieuse », et dégagé une « puissante joie » liée au goût du thé et du gâteau, mais les dépassait infiniment ? Après une profonde recherche sur les circonstances et l’époque où cette saveur est apparue, il écrit : « Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d’autres, plus récents ; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés depuis si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s’était désagrégé ; les formes – et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot – s’étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des autres, après la destruction des choses, seules, plus frêles, mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.
À la recherche des pâtisseries perdues
Que sont mes pâtisseries devenues
Qui aujourd’hui ont disparu
Sans crier gare
Beaucoup ont été oubliées
Des chefs les ont “revisitées”
Il faut les voir
Tout juste bonnes à photographier
J’ai pas envie de déguster
De l’art pour l’art
Où sont les Mille feuilles poudrés
de crème pâtissière perlés
Et si fragiles
Les Polonaises meringuées
Moelleuses, fières et parfumées
Toutes envolées
Les puddings chocolat marbrés
Qu’après piscine je dévorais
Dans de gaîté
Les babas de rhum imbibés
Pour les fêtes bien arrosés
Vous me manquez
Que sont souvenirs devenus
de mes pâtisseries disparues
Dont on se moque
De nouvelles modes les ont chassés
Moi je ne veux rien oublier
J’ai trop aimé…
Je vous souhaite à tous une belle année de partage, année gourmande, curieuse, inventive, chaleureuse où j’espère (comme Catherine Berling) à l’occasion de nos rencontres APA pouvoir découvrir vos visages et entendre vos voix.
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