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Grains de sel
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Blog créé par l'Association pour l'autobiographie (APA) pour accueillir les contributions au jour le jour de vos vécus, de vos expériences et de vos découvertes culturelles.
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11 mai 2022

De qui se moque-t-on ?

Alice Bséréni

20220511gds-vie_abse_de_qui_se_moque-t-onVous nous demandez d’embellir notre quartier, vous n’en finissez pas d’en défigurer les rues.

Vous nous demandez d’installer des jardinières sur les trottoirs, vous truffez le quartier de parkings de vélos, scoots, patinettes et autres engins de mobilité individuelle dans la ville.

Vous nous demandez d’investir le quartier par des initiatives citoyennes, vous n’en finissez pas de brader l’espace public à des opérateurs privés qui privent les résidents de leur espace vital. Les trottoirs sont désormais occupés par les terrasses de bistrots, restaurants et autres brasseries, ou par des étals de commerces vestimentaires ou de colifichets destinés aux touristes.

Vous nous demandez de nous impliquer dans la vie publique citoyenne et la démocratie locale, le quartier tout entier est la proie du tourisme, un tourisme de masse prédateur, très peu soucieux ni respectueux des résidents, hors les services de consommation.

Nous avons travaillé depuis longtemps à l’aménagement du quartier en espace piétonnier, convivial et aéré. Il n’est plus que terrasses vampirisant rues et trottoirs, génératrices de nuisances dont les riverains ne peuvent se protéger ni se s’abstraire. Plus de place pour les piétons, un landau, un fauteuil roulant ou une marche avec canne, pas plus pour les enfants ni nos compagnons canins.

Vous veillez à l’obligation d’entretien des immeubles et façades, sanctions financières à l’appui, vous n’arrêtez pas de défigurer le quartier. Les longues files de scoots, patinettes ou vélos ourlent désormais chaque site historique, chaque monument, chaque demeure ancienne, jonchant les pavés de nos rues, masquant les vieilles pierres, la mémoire du quartier. Chaque coin de rue est balafré de patinettes entremêlées, de vélos fracassés, de trottinettes échouées. Le tout géré par des opérateurs privés. Ainsi du Lapin agile, de la Maison rose, de la Commanderie, pour ne citer que quelques sites. Une mémoire bafouée, des sites profanés !

Revenons sur quelques évolutions du quartier. Nous nous sommes battus pour obtenir l’interdiction des cars sur la Butte, jusqu’à se coucher devant leurs roues pour les empêcher de monter vers le Sacré-Cœur.

La rue de Steinkerque est devenue lieu de déambulations processionnaires, et les anciennes merceries qui ont fait le prestige du marché Saint-Pierre sont transformées en boutiques de souvenirs made in Taïwan, China ou Indonésia… Les marchands du temple. Beaucoup de ces objets de pacotilles retournent dans les pays où ils ont été fabriqués ! Il n’est pratiquement plus possible de rejoindre le métro.

L’interdiction de fumer dans les cafés et restaurants a été promulguée en 2007, un bienfait pour les personnels de service et autres consommateurs victimes du tabagisme passif. La consommation s’est déplacée vers les terrasses, agrandies, généralisées, mordant sur l’espace piétonnier, qui plus est chauffées jour et nuit, jusqu’à la belle saison. On nous demande de restreindre nos consommations d’énergie à l’intérieur, on chauffe désormais l’extérieur…

Au fil des ans le quartier s’est piétonnisé. Le champ visuel est désormais filtré par la multiplication des panneaux et signalétiques qui encombrent, polluent, défigurent l’esthétique d’une codification brouillonne et parasite. Pas un seul regard qui ne soit accroché, intercepté, encombré, brouillé par ces visions parasites, au sol comme dans les airs. Une insulte à l’esthétique du quartier !

Les murs prêtent à maintes manifestations de street art ou autres tags, fresques, peintures murales… Elles drainent désormais une foule de curieux aimantés par les GPS, Google, smartphone, Tour operator, quizz et autres applications de circuits fléchés, en déambulations parasites dans l’ensemble de nos rues. Le tout doublé par les conférenciers qui stagnent dans notre espace, le plus souvent équipés de micros et amplificateurs.

Le quartier est particulièrement prisé des boites de prod, cinéastes et autres producteurs qui l’occupent régulièrement pour des tournages, films, longs métrages, ou flashs publicitaires. Au détriment des riverains, mis devant le fait accompli, sans avoir leur mot à dire. Véhicules enlevés, places de stationnement confisquées, trajets détournés, complication de chaque acte du quotidien. Sans compensation aucune. La Ville engrange les dividendes.

Autres nuisances dérivées, la multiplication des circuits « spécial tournage de films », dont les touristes sont particulièrement friands, de même que les commerçants concernés, désormais fléchés, répertoriés, courtisés.

 

20220511gds-vie_abse_de_qui_se_moque-t-on_veloAutant d’utilisations et de détournement de l’espace public au détriment des riverains et Montmartrois, submergés par ces flots de chenilles processionnaires – jusqu’à 25 000 par jours ! Ceci dans un quartier sensible, fragile, soumis à maintes contraintes environnementales : fragilité du sous-sol, nuisances sonores dans une topographie caisse de résonance, propreté, entretien, emprise des activités commerciales gangreneuses, spéculation immobilière effrénée…

Et vous nous imposez une circulation à caractère individuel qui encombre l’espace public, au détriment d’un mode de déplacement collectif, voué à terme à disparaître au profit du privé : la RATP dépecée, promise à privatisation dès 2025, soumise à la concurrence par secteurs d’activité, le déplacement prévu dès lors à 4 euros au lieu de 2... On y a perdu déjà le Montmartrobus. Vous y substituez un mode de locomotion individuel électrifié : combien de centrales nucléaires pour en assurer les sources d’énergie ? Combien de guerres au Mali, Tadjikistan, Sahel ou autre pays du Tiers-Monde pour équiper ces batteries et leurs puces en composants de métaux rares ?

Vous vous honorez de soumettre la candidature de Montmartre au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il faut craindre à terme l’amplification, voire l’exaspération de l’ensemble de ces déviances, des nuisances qui en dénaturent l’usage et la vie résidentielle.

Est-ce à cette fin que vous nous demandez de végétaliser notre quartier, de faire preuve d’imagination pour l’embellir, le soigner, le décorer, le rendre attractif ?

Mais de qui se moque-t-on ? Combien de temps vais-je pouvoir demeurer dans le quartier où je suis Air BnB pour continuer à vivre ? Serait-ce le prix à payer de la modernité, de la mondialisation ? Est-ce là « le monde d’après » qu’on prétend appeler si fort de nos vœux ?

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