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10 juin 2021

Un instant dans la vie de Léonard de Vinci

Alice Bséréni

20210610gds-liv_abse_un_instant_dans_la_vie_de_ldvinciJ’ai lu avec grand intérêt et un plaisir immense le dernier titre de Marianne Jaeglé, Un instant dans la vie de Léonard de Vinci, qui nous emmène sur les traces de bien des auteurs et créateurs du monde entier. Tout d’abord parce que le livre est très bien écrit, avec finesse et méticulosité, non sans une touche d’humour qu’affectionne son auteure. Mais aussi parce que Marianne est une vieille amie et complice avec laquelle je partage l’aventure des ateliers d’écriture. Enfin parce que dans ces temps toujours moroses et peu motivants pour faire et être, il est bon d’accueillir un acte créatif, une œuvre vivante, un livre apte à remettre le pied à l’étrier de l’écriture. C’est d’ailleurs dans le temps mort et vide du confinement que l’ouvrage en gestation a vu le jour et nous parvient dans sa forme aboutie. De quoi donner le change et démentir les pulsions de mort qui menacent encore…

 

Il fallait y penser ! Produire un recueil de nouvelles dont le fil rouge enchaîne les instants cruciaux de vies célèbres. Vingt-et-une histoires courtes relatent des fragments de vie de personnages aussi divers par leur art, leur pratique ou leur science, leur temps, l’histoire et la géographie, les époques, les langues et les cultures. De Léonard de Vinci à Pablo Picasso en passant par Colette ou Lee Miller, un poète japonais ou Homère l’aède aveugle, Romain Gary et Charlie Chaplin, Paul Claudel ou Primo Lévi, Marianne Jaeglé nous emmène dans les méandres de destinées hors du commun, tout en traitant du thème de la déportation et celui du handicap, de la misogynie ou de l’esclavagisme. Un pari osé, et réussi, une démarche originale, inédite, riche d’enseignements.

Le génie de cette quête : repérer les instants fugitifs d’un fragment de vie ayant marqué d’une empreinte indélébile un destin singulier, et, par ricochet, son legs à l’histoire commune. En lectrice assidue de vies d’artistes et d’auteurs, formée à l’art des belles lettres et de la littérature classique, rompue aussi aux ficelles créatives de la littérature contemporaine, Marianne Jaeglé nous emmène dans des univers hétéroclites enracinés chacun dans les déterminants historiques, culturels et politiques de leur temps. Elle nous convie à entrer dans l’intimité d’un personnage, les grandes lignes de sa vie, ses déboires, ses succès ou ses rivalités, les enjeux d’une mission ou d’un engagement, les tenailles d’une vocation, les aléas d’un destin inouï. L’art narratif se met ici au service de cette pluralité avec une écriture et des formes textuelles pour chacun renouvelées. La nouvelle se construira au « tu » pour une distance salutaire avec le personnage, en forme de dialogues quand elle lui délègue la charge narrative, au « il » ou « elle » pour un accompagnement plus serré, adoptant le vocabulaire fleuri des idiolectes ou des langues locales, s’arrêtant volontiers sur le détail d’une scène ou les enjeux d’un sort, les richesses d’une anecdote qui peut être anodine. Elle excelle à se couler dans les méandres d’une interrogation, d’un doute ou d’un espoir, tour à tour insistante et légère, précise ou allusive, présence ou effacement… Pour servir le projet, des phrases courtes écrites au présent, scandées, circonscrites, au service de ce qu’elles cherchent à accrocher : l’instant crucial, déterminant qui décide de la bascule d’une vie, du virage d’un destin, des ruptures d’un cheminement, des tracés d’un engagement. Autant de postures narratives qui tiennent le lecteur en haleine, aussi captif qu’à la lecture d’un polar.

Nous pouvons reconnaître dans cette œuvre les vertus de la parabole dont les étranges pouvoirs symboliques cherchent à éclairer les énigmes des destinées humaines. Nous y voyons aussi autant d’épiphanies et leurs effets révélateurs, si précieuses pour la construction d’une trame narrative. Dixit à ce sujet les propos d’Élisabeth Bing insistant dans nos ateliers d’écriture sur ce motif majeur qui peut se faire cœur et même apogée d’un récit. Nous en vérifions ici la pertinence et la véracité.

Cette collection de textes s’inscrit dans le prolongement de son ouvrage précédent portant sur les zones d’ombre du destin de Van Gogh*. Riche d’une culture plurielle, d’une curiosité exacerbée, d’un imaginaire prolifique, Marianne Jaeglé s’est mise à l’écoute des aspects surprenants des traces qu’ils ont laissées jusqu’à nous. En se faisant passeur de ces instants de vies, elle rend hommage à des personnages qui, confie-t-elle, l’accompagnent depuis toujours, ainsi qu’à ses proches envers lesquels l’hommage se fait ici partage.

 Sois heureux un instant, cet instant c’est ta vie ! Omar Khayyām, poète et astronome perse (cité par l’auteure).

* Vincent qu’on assassine, L’Arpenteur, 2016.


Bibliographie

  • Un instant dans la vie de Léonard de Vinci, et autres histoires, Marianne Jaeglé, L’Arpenteur, 2021

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