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Grains de sel
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Blog créé par l'Association pour l'autobiographie (APA) pour accueillir les contributions au jour le jour de vos vécus, de vos expériences et de vos découvertes culturelles.
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26 janvier 2023

Aie mes aïeux

 Phrasie

 logo_nos_aieuxJ’emprunte le titre de ce billet au best-seller des années 90, de Anne Ancelin Schutzenberger afin d’évoquer ce qui est pour moi un pur mystère concernant la jeunesse de mon grand-père. J’ai des photos de son service militaire (il était de la classe 22) où il crève l’écran pourrait-on dire. Il est tellement différent des autres que je me suis penchée pour regarder à la loupe : les autres ont la capote ouverte, sont débraillés, en bras de chemise et avachis à table. Lui, il a la dizaine de boutons de sa vareuse attachés ! Il a l’air si différent, l’air d’être ailleurs, de ne pas être à sa place. Incontestablement le plus élégant, presque un jeune premier romantique. Sa fille, ma mère dira de lui : « Tu sais pépé était très bel homme quand il était jeune ».

 De manière totalement incompréhensible, il épousera en 1927 une femme qu’il n’aura vu qu’une ou deux fois avant le mariage, mariage arrangé par son père et son futur beau-père, épouse ayant une dot ridicule (juste de quoi acheter une table et une enfilade) ayant fait la scolarité minimum, infantilisée par sa famille, ne souhaitant pas du tout se marier, rêvant d’une vie au couvent dans un ordre contemplatif, une minuscule bonne femme avec un pied déformé par un accident dans un escalier quand elle avait cinq ans ! Quoi qu’il en soit, un jour de foire, leurs pères respectifs se sont rencontrés, ont mangé ensemble au restaurant et ont décidé de marier leurs enfants.

 Alors la question qui me taraude, ce pur mystère de la jeunesse de mon grand-père : pourquoi a-t-il accepté d’épouser cette personne ? S’il était si bel homme, comment se fait-il qu’il n’ait pas pu trouver une femme tout seul et qu’il ait été obligé d’épouser une femme qu’il ne connaissait pas, ni riche ni belle ? 4 ans de célibat. Qu’a-t-il fait entre sa démobilisation en août 1923 et son mariage en 1927 ? Comment comprendre ce désastre de mariage arrangé si ce n’est par un mouvement de dépit ? Comment ne pas imaginer que ce si bel homme ait eu des vues sur une autre personne ? Un amour déçu ? Puisque je ne peux pas avoir celle que j’aime, autant prendre la première qui passera. Dépit amoureux à coup sûr même si la légende familiale n’en a pas le souvenir.

 Forte de ce mystère à résoudre, j’ai cherché dans mes souvenirs et dans ceux de ma mère, qui se souvient fort bien de sa jeunesse. Ce que nous avons évoqué c’est non pas son amour pour une éventuelle petite fiancée inconnue, mais sa haine vis-à-vis d’un voisin de la ferme de ses parents, voisin qui avait dû lui faire du tort et qu’il traitait volontiers de « aquello puto » ce qui signifie peu ou prou « quel salaud ». J’ai toujours pensé qu’un contentieux ancien se mettait régulièrement à jour dans sa tête, contentieux au sujet de bornage de terres, de vol de moutons, de récolte ou de Dieu sait quoi d’autre. Les deux propriétés se touchaient et ce Sicard de L’ Hospitalet s’était même permis de couper en deux l’arbre qui servait de limite à leurs deux parcelles, les branches qui dépassaient chez lui devaient lui faire de l’ombre et empêcher le blé de pousser de son côté ! Bref ce salaud de Sicard de l’ Hospitalet et mon grand-père se détestaient à mort, mon grand-père l’a détesté jusqu’à la fin de ses jours tant et si bien que nous, ses enfants et petits enfants avions peur de ce Sicard, il était une sorte d’ogre qu’il fallait éviter.

 Cette haine, certes pas exceptionnelle entre voisins à la campagne, dépassait largement les bornes communément admises et je me suis demandé s’il n’y avait pas là une piste à creuser. Se pourrait-il que mon grand-père ait été amoureux de la fille de ce voisin irascible ? Voisin qui aurait bien évidemment évincé le soupirant.

 Direction les archives départementales accessibles sur internet pour voir si une fille Sicard était née entre 1890 et 1910 sachant que mon grand-père était né en 1902. À partir de là, je passerai sous silence mes élucubrations concernant ma découverte, j’évoquerai plutôt cela dans un blog dédié à la fiction… Par contre, mon plongeon dans le passé m’a appris autre chose, quelque chose d’inconnu de tous, quelque chose ou plutôt quelqu’un d’ignoré pendant 118 ans !!!

 Mon mari et moi en épluchant toutes les pages des archives de naissances de L’Hospitalet sur vingt ans, nous avons vu la fiche d’une enfant de sexe féminin prénommée Célestine, Sabine, suivent les noms de son père et de sa mère, indubitablement mes arrières grands-parents maternels. Célestine petite sœur de mon grand-père, née le 25 novembre 1904, morte cinq jours plus tard. L’acte de décès suit immédiatement l’acte de naissance. Et personne n’a jamais su son existence, personne n’a jamais parlé d’elle. C’est un petit cadavre que j’ai exhumé et quand j’ai compris, j’ai eu envie de pleurer devant sa si brève existence, mais surtout en comprenant qu’on l’avait gommée à tout jamais. Les deux enfants du couple avaient respectivement 4 et 2 ans, ils n’ont rien compris et les parents n’ont jamais parlé d’elle. Point final. À l’époque, il était fréquent de perdre des enfants en bas âge, mais je n’avais pas compris qu’on pouvait les rayer définitivement sauf sur les registres d’état civil !

 Je vais d’une manière ou d’une autre lui rendre hommage, mettre son nom, ses dates de naissance et de mort à côté du nom de ses parents ou j’inventerai autre chose. Je crois qu’il ne faut pas l’oublier une deuxième fois, je vais permettre à son petit fantôme de reposer en paix.

 Mon grand-père n’a jamais su qu’il avait une sœur !

 Et voilà comment en cherchant un possible amour perdu j’ai trouvé une enfant tout aussi perdue !!

 Étonnant comment vont les choses !

 Je me demande qui me tient la main depuis l’au-delà pour que je me penche sur toutes ces histoires
anciennes…

20230126gds-mem_evbag_aie_mes_aieux

 

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Commentaires
P
Merci Elisabeth pour votre commentaire. Je vois que je ne suis pas la seule à exhumer des enfants morts en bas âge, je réfléchis encore à une action symbolique pour que le souvenir de cette petite fille persiste dans la famille …
Répondre
E
Mystère qui restera probablement insoluble...<br /> <br /> Quant aux enfants morts en bas âge, c'était effectivement une pratique courante que de ne jamais les mentionner. Je savais par ma soeur que notre grand-père (né en 1875) avait eu un jeune frère mort jeune (16 ans), mais en faisant des recherches généalogiques, je lui ai trouvé deux petites soeurs, mortes elles à quelques mois, dont la brève existence nous était inconnue. Cela jette une ombre de tristesse sur ces recherches...
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