Chroniq’hebdo | De l’actu, d’un voyage et d’un livre
Pierre Kobel
À chaque semaine sa guerre. Après celle éclair qui a chassé les Arméniens du Haut Karabagh de chez eux, c’est de nouveau le Moyen-Orient qui s’embrase quand les Palestiniens du Hamas sortent du territoire de Gaza pour s’en prendre aux Israéliens, tirant à vue sur tout ce qui bouge, prenant des otages et réveillant ainsi les peurs du monde face à cette situation récurrente. Toujours la même question. Quand cela cessera-t-il ? Il n’y a pas de raison à cela. La haine entre Palestiniens et Israël se propage de génération en génération et toutes les tentatives de dialogue, de conciliation, de paix sont vouées à l’échec sous les coups de boutoir des extrémistes.
J’ai 14 ans en 1967 lors de la « Guerre des Six Jours ». Je me souviens de ma surprise, de mon incrédulité. Plus de 50 ans après, rien n’a changé. Ce conflit déstabilise depuis toute une région, entretient l’antisémitisme et donne du grain à moudre aux bellicistes et aux industriels de l’armement. Et nous, pitoyables pacifistes, naïfs humanistes, nous assistons impuissants au carnage avec nos belles paroles et nos convictions de pacotille. À l’abri. Jusqu’à quand ?
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À l’écart de cette actualité, et c’est le moyen de s’en tenir un peu à distance, cette semaine fut celle d’un voyage à Ambérieu avec Elizabeth. Occasion de retrouver d’autres membres de l’association, de partager des moments d’amitié et de rires. Mais nous sommes là pour travailler. Il s’agit de préparer une première campagne de numérisation des documents du fonds en commençant par les plus anciens et les plus fragiles qui datent pour la plupart du XIXe siècle. Nous ouvrons chaque boîte, chaque document concerné, nous en faisons un descriptif, comptons le nombre de pages, déterminons s’il faut les restaurer ou pas auparavant. Dans une grosse boîte sont rangés des écrits de Xavier-Édouard Lejeune, l’aïeul de Philippe. Nous y trouvons des merveilles, tel cet atlas dessiné et autographié qui décrit un monde si modifié qu’il en est presque disparu. Également dans une enveloppe, ce qu’il reste d’une feuille ramassée dans les ruines des incendies de la Commune. Un document aux bords déchirés, émouvante, relique des événements tragiques de l’époque.
Je garderai aussi la mémoire de la nuit passée dans un gîte au-dessus de Saint-Rambert en Bugey. Une maison perchée dans la montagne, une hôtesse de 78 ans au dynamisme étonnant. Nous passons là une soirée et une nuit délicieuses qui nous permettent de récupérer de la journée. Je me lève dans la nuit. Par la porte vitrée qui donne sur l’extérieur, je reste admiratif face à une draperie d’étoiles qui me conduit au-delà du terrestre. Quelques pas à l’extérieur pour l’admirer plus encore et penser aux ciels des tableaux de Van Gogh. Le paysage est dans le silence le plus total.
Le troisième jour de notre voyage fut celui d’une étape à l’université de Dijon où nous étions invités à parler des blogs de l’APA : Vivre confinés pour Elizabeth et Grains de sel pour moi. Un accueil chaleureux et cordial, une écoute attentive, des questions intéressées, ce fut l’occasion de diffuser la parole de notre association à un public jeune d’étudiants qui parfois nous manque tant.
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Au retour, nous serons encore mobilisés par l’APA avec des permanences à assurer sur le stand du salon de la Revue qui se tient à la Halle des Blancs-Manteaux dans le Marais. Occasion d’échanger avec les compagnes de permanence. Une fois de plus je retrouve l’esprit amical qu’est celui de l’APA et la passion partagée pour ce qui nous réunit.
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Durant les insomnies de ce week-end, je mêle mes inquiétudes du monde à la lecture du V13 d’Emmanuel Carrère, le récit qu’il a écrit durant le procès des attentats du 13 novembre 2015 sur les terrasses des cafés du 11e et au Bataclan. Le talent de Carrère pour dire avec ses mots aux allures de simplicité tout ce que signifient encore ces événements. Pour les victimes, pour leurs proches, pour nous tous. Dire la distorsion incompréhensible entre ce qui conduit de jeunes hommes à de tels massacres et notre propre éducation, notre culture qui serait bien sous tous rapports face à la leur. Et ces échos lugubres quand de nouveau un prof est tué, quand des touristes tombent sous les balles dans les rues de Bruxelles.
Et je me pose encore la question : comment faire face à ce monde de plus en plus bouleversé, comment aller au-delà des réactions convenues et d’une désolation plaintive et impuissante ? Je me dis que nous arrivons au temps des armes. Celle des mots bien sûr, mais est-ce encore suffisant ?
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P.O.L | V13