Le protocole
Nadine P.
Vous vous souvenez sans doute pour la plupart d’entre vous du yo-yo, ce petit jouet considéré comme le plus ancien du monde avec la toupie me dit Wikipédia, petit objet qui allait venait, allait venait en rythme fou et qui s’emmêlait dans son fil quand la cadence ratait le tempo.
Eh bien côté mémoire, c’est pareil !
Bonne maîtrise des couacs, belle dissimulation des souvenirs échappés et hop, hors du contrôle pourtant organisé, le fil s’emmêle et il est épuisant de trouver le début et la fin de la pelote.
Remettre la corde sur l’axe, comment faire ?
Rendez-vous dans le service mémoire, suite du protocole débuté il y a quelque temps, cette fois avec la neuropsychologue. Je sors le sourire aux lèvres. Les derniers tests prévus monopolisent mon attention deux heures durant, la conclusion est assez encourageante. Pas de troubles cognitifs de type Alzheimer, mais un ralenti de… Je n’ai pas tous les mots. J’aurais bien écrit « ralenti du cerveau », mais l’expression entraînerait peut-être une conclusion hâtive. Conseils, je dois faire des pauses dans la journée pour reposer mes neurones qui tentent de galoper plus vite qu’ils ne le peuvent. Là encore, aucune connaissance médicale poussée, est-ce qu’ils galopent vraiment dans un champ ouvert à la merci d’un mal qui les ferait chuter ? Rien n’est sûr.
Puis, les jours suivants, je questionne à nouveau ma bonne humeur pour la transformer en questions : l’attention ralentie pour telle raison oui, mais qu’en est-il de mes trous de mémoire complets sans pistes parfois pour remonter le temps, pour mettre le souvenir d’une soirée ou d’une scène en place à nouveau ? Qu’en est-il de ses absences quotidiennes répétées et de plus en plus nombreuses, diverses et fatigantes à supporter ?
Dans l’attente prochaine du rendez-vous chez la spécialiste dans le même service, toujours le protocole, je me rends chez ma doctoresse et là, claque.
Elle me parle de « trous noirs » évidents, de l’IRM présentant quelques anomalies peut-être responsables, de rendez-vous chez un cardiologue, une démarche normale lorsqu’on entame cette démarche. À mes questions elle répond « On ne saura peut-être pas à quoi c’est dû, mais on saura ce que ça n’est pas ! »
J’ai beaucoup d’humour, ça aide…
Je suis rentrée chez moi, j’ai enfilé ma tenue et suis allée danser à la MJC du quartier comme tous les lundis. J’ai ri, j’ai sué, j’ai ri, j’ai oublié que j’oublie durant un temps, ça a allégé ma peine.
Au retour je lis tardivement sur le courrier écrit par mon médecin pour le cardiologue « troubles cognitifs majeurs ».
Petite nuit
Petite mine
Après la danse, il y a les fourneaux.
Deux anciennes collègues, amies en devenir, viennent manger le soir. Prévoir, me concentrer, passer des heures dans ma cuisine à concocter de quoi les régaler, ne pas trop penser.
En rappant l’orange et l’ail dans la sauce qui mijote, je songe à Babette et à son festin, une référence absolue pour moi du cadeau à faire pour les gens qu’on aime. Cuisiner pour se rapprocher et ce soir avec le besoin de me sentir pleinement vivante.
Internet
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Wikipédia | Le festin de Babette de Gabriel Axel