Chronique berrichonne : chemin faisant
Pierre Kobel
On voudrait parfois que cela ne s’arrête pas. Journées de cheminement entre hier et aujourd’hui. Hier pour une pointe jusqu’à Sainte-Sévère-sur-Indre, grosse bourgade endormie comme tant d’autres localités de province, qui ne cesse de célébrer la mémoire du film de Jacques Tati, Jour de fête. Il faut, paraît-il, assister à une projection publique en plein air, du film, pour comprendre cette mémoire. Le spectacle n’est plus sur l’écran, il est dans le public !
Aujourd’hui avant de rallier notre gîte pour les trois jours à venir, nous avons fait étape en quelques lieux qui, autrefois, servirent à l’imagination littéraire de George Sand. C’est ainsi que, dans la solitude d’un sous-bois, nous avons rejoint d’abord La mare au diable avant de suivre la route jusqu’au moulin d’Angibault. À lire les panneaux explicatifs à l’intention des touristes, on comprend combien la dame de Nohant a donné des lettres de noblesse à ce pays et ce qu’il lui doit de fréquentations.
Autres monuments nombreux en cette région, ce sont les châteaux et, non loin du moulin, se dresse l’imposante forteresse de Sarzay. On est là devant un monument tout en force et en élégance dont on se demande comment il a pu échapper aux destructions consécutives aux guerres qui ont accompagné son histoire. Sa sauvegarde et son entretien aujourd’hui par une famille de propriétaires enthousiastes n’est pas sans me rappeler Chefs d’œuvre en péril, cette émission télé des années 60 et 70 qui mettait en avant le travail de ceux qui luttent pour la préservation et la sauvegarde du patrimoine. Un travail qui n’a de cesse quand on mesure l’engagement physique, matériel et financier que nécessitent de tels monuments.
Plus loin nous visitons l’église Notre-Dame de Le Menoux. Curiosité que cet édifice d’une facture sans relief extérieur, mais dont l’intérieur fut entièrement décoré de fresques modernes très colorées par le peintre Jorge Carrasco. Rencontre entre un artiste et un lieu comme il en survient parfois. Le peintre bolivien a consacré huit ans à réaliser ce grand œuvre de 400 mètres carrés.
Nous avons rejoint plus tard cette belle bourgade qu’est Saint-Benoît-du-Sault qui nous est déjà familière, mais où nous ne manquons jamais de nous plaire au gré des petites rues, des sentes à moitié cachées, entre les vieilles pierres et les fenêtres fleuries. Et ce, malgré la désolation de voir, d’année en année, se fermer les commerces, se blanchir les devantures et disparaître une part de la vie provinciale dans les arcanes anonymes et standardisés des grandes surfaces et du commerce en ligne.
J’écris dans une pièce de la vieille bâtisse aux murs épais qui nous abrite, face à une fenêtre aux petits carreaux. J’entends roucouler les oiseaux qui nichent dans le beffroi attenant. La lumière du soir a quelque chose d’éternel.
Internet
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Wikipédia | Jour de fête
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Wikipédia | Le château de Sarzay
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Wikipédia | Jorge Carrasco