Port-Guillaume, une mémoire ouvrière
Mireille Podchlebnik
Si Port-Guillaume, niché entre Cabourg et Houlgate, est connu comme lieu de villégiature par bon nombre de plaisanciers, son passé de site industriel l’est peut-être moins et pourrait même un jour sombrer dans l’oubli.
C’est en effet à cet emplacement, distant du centre-ville et proche de la petite gare de Dives-sur-Mer, que l’industriel Eugène Sécrétan créa à partir de 1891 la Société Française d’électrométallurgie spécialisée dans la fabrication de produits cuivreux. Avec la diversification de sa production (laiton, aluminium, étain, etc..), elle deviendra Tréfimétaux. Le site se dote alors, outre les ateliers et les bureaux, de bâtiments d’habitation pour stabiliser un personnel très sollicité par les industries, lors de la Première Guerre mondiale notamment.
À cette période, l’usine travaille pour la défense nationale et fabrique des douilles d’obus. Une main-d’œuvre recrutée en renfort d’horizons plus ou moins lointains crée une mosaïque de communautés allant de la Bretagne à l’Europe de l’Est en passant par le Maroc et l’Algérie. De nombreux conflits sociaux émaillent l’histoire de cette usine qui comptait plus de 2000 salariés en 1917 pour diminuer régulièrement au fil des bouleversements industriels.
L’usine fermera définitivement ses portes en 1986 et sera en partie détruite peu de temps après, laissant place aux résidences du Port-Guillaume. Seules quelques villas, une cité ouvrière et la bâtisse dotée du beffroi persistent de cette époque. Cette dernière, classée monument historique, sera restaurée en un lieu culturel qui abritera une école de musique et le centre régional des arts de la marionnette.
À chacune de mes visites en Normandie, je ne manque pas de me rendre dans ce quartier de Dives et regarde toujours avec émotion les rares vestiges de sa mémoire ouvrière. Le médecin du travail que je suis ne peut qu’éprouver intérêt et compassion pour ceux qui ont traversé cette histoire. Les conditions de travail des ouvriers et ouvrières qui travaillaient dans les fonderies pour certains dès l’âge de 13 ans étaient très dures. L’amiante était utilisé massivement pour protéger les installations et les hommes, mais les fibres en suspension dont la toxicité se révéla plus tardivement, pénétraient les voies respiratoires et imprégnaient les vêtements de travail. Le collectif des victimes de l’amiante de l’usine Tréfimétaux crée en 2001 œuvre toujours activement pour faire reconnaître les droits des anciens salariés malades et de leurs familles.
Internet
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Wikipédia | Dives-sur-Mer
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Wikipédia | Usine Tréfimétaux