Les mains d’Alain Cavalier
Madeleine R.
J’ai vu le dernier film d’Alain Cavalier, L’amitié (2 h 4) dans une petite salle du « Reflet Médicis » (Paris 5). Le même cinéma propose Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles (3 h 18) de Chantal Akerman. J’hésite à le revoir à cause de la durée !
Les deux réalisateurs ont ceci en commun de filmer en temps réel les gestes de la vie quotidienne dans les intérieurs mêmes des protagonistes de leurs récits. J’ai été « scotchée » comme les autres spectateurs, le silence régnait à la fin du film dont les deux heures étaient passées sans que l’on s’en aperçoive.
Le récit de l’Amitié paraît complètement improvisé, se construisant au fil de la visite que fait le « filmeur » à trois amis avec lesquels il a travaillé autrefois. Portraits intimistes, visages vus de près, présences fortes qui donnent un charme fou à ce film. Les corps, les visages sont là tout près et surtout les mains. Lorsque Boris Bergman, le parolier et créateur de « Vertige de l’amour » (le film commence par l’écriture du texte de cette chanson) veut masser les mains d’A. Cavalier et lui demande s’il peut changer la caméra de main, le film se poursuit, imperturbable, avec la voix de celui qui filme alors de la main gauche.
A. Cavalier dit avoir choisi ces trois portraits (parmi les nombreux qu’il a réalisés et engrangés) parce que chacun de ces trois amis n’a pas entièrement réalisé ce qu’il voulait faire de sa vie… Ses trois amis n’ont pas grand-chose en commun et vivent dans des appartements très différents, c’est même le grand écart. Cela va de la joyeuse pagaille du tout petit appartement du parolier artiste, à l’impeccable installation très grand-bourgeoise du second, le producteur Maurice Bernart, jusqu’à la précaire maison de banlieue du troisième, le coursier Thierry Labelle qui a joué dans Libera me, il y a bien longtemps. Un fauteuil de handicapé révèle une situation difficile pour sa femme que l’on entend, mais que l’on ne voit pas. Alors que l’on voit Mako, la très gentille épouse du premier et Florence Delay, la très belle et distinguée épouse du second.
Un fil conducteur, après les retrouvailles, les souvenirs échangés et un déjeuner partagé, c’est la question rituelle sur les circonstances de la rencontre du couple… Les visages et les mains de ces quatre amis (en comptant le filmeur lui-même dont on aperçoit seulement la silhouette et les mains), une présence corporelle affective, font de ce film si simple et si tendre une perle réconfortante dans un monde désenchanté et violent.
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Allociné | L’amitié d’Alain Cavalier