Tre piani : Peur, violence et incertitude
Elizabeth LC.
Il est loin le temps où l’on allait voir les films de Nanni Moretti pour rire un bon coup. Rire jaune, souvent, mais rire quand même. Le premier que j’ai vu c’était, je crois, La messe est finie ; ensuite je n’en ai pas manqué beaucoup, et j’ai apprécié particulièrement Journal intime (même si à l’époque je ne connaissais pas encore l’APA…) où il était, rappelez-vous, ce « splendide quadragénaire »… et Habemus Papam. Humour grinçant et regard caustique sur la société de notre temps.
On ne rit guère en regardant Tre Piani. Mais le regard caustique de Moretti est toujours là. Un immeuble romain, trois étages, trois familles, toutes aux prises avec la violence, la peur et l’incertitude. Un père est obsédé par l’idée que sa petite fille a peut-être été sexuellement agressée par un voisin (violence et incertitude) ; un couple est détruit lorsque leur fils, coupable d’un homicide accidentel, refuse de l’assumer (violence et peur) ; une jeune femme dont le mari est absent est rongée par la solitude et craint de finir comme sa mère, hospitalisée pour troubles mentaux (peur et incertitude). (Ce ne sont là que les intrigues principales : il existe d’autres connexions entre les personnages, dans un schéma très adroitement construit.) « Le film parle de thèmes tout à fait universels, comme les conséquences de nos actions, la difficulté d’être parents, la culpabilité et la justice », déclare le cinéaste.
Le film s’étend sur trois périodes chaque fois distantes de 5 ans. Ce qui permet de voir à l’œuvre le passage du temps ; de voir aussi grandir les enfants, l’une de 7 à 17 ans, l’autre de sa naissance à 10 ans. Une belle scène finale (que je ne raconterai pas et qui n’est pas un happy end) termine le film sur une note d’espoir, sans que celui-ci semble forcé en face de toute la noirceur auparavant exposée : ce n’est pas le moindre mérite de Nanni Moretti, observateur lucide, mais pas blasé.
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