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Grains de sel
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Blog créé par l'Association pour l'autobiographie (APA) pour accueillir les contributions au jour le jour de vos vécus, de vos expériences et de vos découvertes culturelles.
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22 novembre 2021

Chroniq’hebdo | De Vialatte, Beckett, Thierry Metz, Vivian Maier et autres sujets

Pierre Kobel

 

20211122gds-mots-pkobel_chroniq_hebdo2_vialatteCe genre de chroniques dont je prends l’initiative me fait penser à celles d’Alexandre Vialatte dans La Montagne. Quelle causticité et quel humour sarcastique, qui n’est pas sans rappeler celui de Cioran quand il écrit : « L’homme n’est que poussière, c’est dire l’importance du plumeau. » ou ailleurs « La Bible assure que lorsque Dieu eut fabriqué l’homme et la femme, il en pleura. Comme on le comprend ! » Et pour ce qui nous concerne, voici ce qu’il écrivait à propos des mémoires : « Chardonne parle d’un petit garçon (peut-être lui-même, je ne me rappelle pas) qui avait commencé ses Mémoires ! Ce petit garçon n’avait pas tort. On ne commence jamais assez tôt à dire adieu à sa jeunesse. Il faut bien soixante ans pour s’en apercevoir. L’impression n’est jamais trop fraîche pour l’attraper. Elle s’envole comme le papillon. » Vialatte est de ces écrivains à qui je reviens périodiquement, il me lave l’esprit. Et c’est ainsi qu’Alexandre est grand !

*

Une autre façon de se laver l’esprit est de marcher. Même si ce n’est qu’un petit quart d’heure, même si le corps me tire à rebours, je le sors quand même pour trouver dans l’air ambiant une liberté, un espace nécessaire, loin des contraintes du quotidien. Bords de Marne chez moi, bords de Seine chez JDS, j’embarque pour de courtes échappées de la psyché qui donnent à respirer.

*

 

cine-eiffelVoyages dans le temps et dans l’Histoire. C’est d’abord le film Eiffel qui m’amène à penser à ma grand-mère. La Tour n’avait pas un an quand elle est née dans le Paris qui est sur l’écran. J’y songe quand je remonte la rue Saint-Jacques au fil des différentes adresses où elle a passé son enfance et sa jeunesse avant d’émigrer en banlieue. Autre temps, autre société, autres mœurs et autre perception du monde. Les choses ne cessent de s’accélérer et on balance entre les vertus du progrès et ce qu’il détruit irrémédiablement.

C’est aussi un courrier qui me remet en avant cette autre actualité familiale qu’est la découverte des restes de mon grand-oncle tué en octobre 1914 dans le Pas-de-Calais. Mémoire à protéger et conserver de ce jeune homme et de ses semblables quand le pacifiste sans illusions que je suis, voudrait que l’humanité entière comprenne que la guerre n’a jamais rien résolu à long terme.

*

 

20211122gds-mots-pkobel_chroniq_hebdo2_migrantsMais la violence est toujours là. Violence du monde quand j’entends épiloguer les politiques et les journalistes à propos de ce qui se passe à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Ce qui me bouleverse et m’accable le plus là-dedans, c’est le sort fait à ces personnes en perdition qui sont utilisées comme une masse déshumanisée, déplacée et jetée selon les besoins.

Violence encore quand j’entends le débat politique chez nous qui ne cesse de monter en puissance entre polémiques, provocations, etc., et pas seulement du fait de Zemmour, même s’il n’est pas le dernier à s’y livrer ou à susciter celles des autres.

Violence sociale aussi attisée par l’annonce incertaine d’une cinquième vague du Covid. Et, avec elle, tous les questionnements, toutes les controverses. Également tous les débats nécessaires, car aucune mesure ne peut se prendre sans réflexion, aucune vérité est indiscutable. Jean-François Delfraissy, le président du Comité consultatif National d’Éthique est l’invité de France-Inter. Plaisir de l’entendre répondre à certaines questions, qu’il ne sait pas. Aveu non pas d’impuissance, mais de sagesse quand d’autres donnent des leçons à tout va sans en savoir plus.

*

 

20211122gds-mots-pkobel_chroniq_hebdo2_beckettRéunion de notre groupe parisien de l’APA. Échanges dans l’atmosphère aimable d’un salon aux lumières estompées. D’abord à propos des Souvenirs pieux de Yourcenar. Elle tente de mettre l’histoire de sa famille en perspective sans jamais se mettre en avant. Hauteur de style et richesse du contenu, la patte d’une écrivaine exceptionnelle. Ensuite on évoque Annie Ernaux, les retenues de certaines, l’importance de son œuvre. Télérama publie un entretien alors que sort une adaptation filmée de L’événement. Elle conclut ainsi : « L’essentiel, c’est que les livres durent et circulent, qu’ils se propagent dans la tête des gens et finissent par changer, aussi peu que ce soit, la manière de penser, les mentalités. Intervenir ainsi dans la société, et dans l’évolution de la littérature, demeure mon ambition. » On termine en évoquant Samuel Becket, l’originalité, les particularités de son écriture. Coïncidence, sur le chemin du retour je fais un tour dans une librairie proche où je découvre le roman que Maylis Besserie lui consacre, évoquant sa fin dans une maison de retraite, Le tiers temps. Je me promets de le lire.

*

 

cine-lhomme_qui_pencheSi la poésie est au cœur de mon existence, Thierry Metz fait partie des poètes qui sont au cœur de ma poésie. J’assiste à une projection de presse de L’homme qui penche, le film documentaire réalisé par Marie-Violaine Brincard et Olivier Dury pour rendre hommage au parcours de l’écrivain qu’il fut. Je note : « Comment adhérer à la lenteur de ce film si on ne se rallie pas à la poésie de Thierry Metz ? Un gravier des mots totalement évident. Loin de notre temps hâtif, L’homme qui penche dit la recherche de soi, la tentative de retrouver un visage. De longs plans fixes comme une méditation qu’accompagne le récitatif d’extraits des poèmes de l’auteur. On voudrait être à la hauteur de cette faim de la vie. » Thierry ne peut que parler à qui importent les écritures de soi : du Journal d’un manœuvre à L’homme qui penche en passant par Lettres à la bien-aimée, il ne cesse au fil de son écriture de faire se mêler son parcours personnel, intime et la création de sa langue pour aboutir à une poétique sans pareille.


Depuis ce matin je tourne autour d’un petit poème dont rien n’est le centre. Les mots m’en éloignent. Avant d’y entrer il faudrait pouvoir en sortir. Les feuillets s’accumulent allant davantage vers le noir. Rien ne s’échappe de cette lumière, comme Perceval de la forêt.

Chaque mot écrit échappe à ce qu’il dit. On y retourne, plus aveugle encore.

In L’homme qui penche, © Pleine page, 2008

 Au-delà des épreuves, des douleurs, des failles et de sa fin tragique.

*

expo-vivian_maierVivian Maier est une photographe de la géométrie. Ses images sont très souvent traversées de lignes droites, de cercles. Et, à chaque fois, il y a l’élément qui ramène à la vie, à l’humain. Nous connaissons son travail depuis longtemps, nous avons vu le film qui lui a été consacré en 2014, À la recherche de Vivian Maier, nous avons lu le livre de Gaëlle Josse, Une femme en contre-jour et cela n’empêche pas JDS de s’exclamer : « Quel coup d’œil !, quel regard ! » en sortant de l’exposition du musée du Luxembourg. Ce que je cherche dans une photo, c’est la traversée du miroir, c’est d’entrer dans l’univers de l’image. Je n’y parviens jamais ou si rarement… Mais le travail de Vivian Maier, c’est une approche de cela, c’est déjà une fenêtre ouverte sur un quotidien négligé, l’infraordinaire dont parle Perec.

Et il reste incroyable qu’en cette époque où des vanités sans talent sont mises au pinacle par une médiatisation abusive, elle n’a jamais obtenu de reconnaissance de son vivant.

*

Dans la pièce tandis que j’écris, la voix de Joni Mitchell. Prolongement de mes années de jeunesse, de l’insouciance et de la révolte mêlées. Je me laisse aller à ce chant apaisant qui ralentit les tensions, les exaspérations trop souvent renouvelées.

 Et pour le plaisir, une dernière de Vialatte : « Sauf erreur, je ne me trompe jamais. »

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