Chroniq’hebdo | De l’actu, de l’APA, du Petit Prince et de Lambert Schlechter
Pierre Kobel
Toujours la même actualité guerrière. Paroles émouvantes de deux danseuses du ballet de Kiev qui trouve refuge et accueil chez nous alors que la troupe était en tournée au début de l’agression russe.
Nombreuses images de réfugiés et en même temps, les médias offrent une image lissée de ces exilés. Comme toujours, il est difficile de mesurer l’intensité du drame vécu par ces gens, de ce qui est vécu par ceux qui restent là-bas sous les bombes. J’ai dérogé à mes habitudes et publié sur Facebook une partie de mon poème Ab irato pour dire ma colère contre ce qui se passe en Ukraine. J’ai ajouté la traduction en russe que propose le module de traduction de Google.
Ab irato
Je vous arracherai vos masques
la face dévoyée de vos vœux
le groin de vos puissances
Crachat sur votre monde !
Je marche dans la rue
Je parle dans la rue
Il ne me reste rien
que les mots pour demain
le sang des morts
les cris et les blessures
Il ne vous reste que la force
et j’ai… le poids des mots !
Я сорву с вас маски
искривленное лицо ваших желаний
рыло вашей силы
Плевать на свой мир !
я иду по улице
я говорю на улице
у меня ничего не осталось
только слова на завтра
кровь мертвых
крики и раны
Все, что у вас осталось, это сила
а у меня… вес слов !
Semaine avec l’APA. Réunion du groupe parisien autour de quelques livres, dont le Voyage à Pichipoï de Jean-Claude Moscovici. Il a longtemps occulté ce qu’il avait vécu durant son enfance dans la guerre avant que cela ne lui revienne en force et qu’il ait besoin de l’écrire pour le transmettre. Nous ne sommes que spectateurs. Et même attentifs, même conscients, même convaincus, nous restons à distance. C’est à la fois le moyen de ne pas être submergé par l’émotion et le risque de ne pas en être assez empreint.
Le week-end commence avec une assemblée générale de l’association. Des moments d’amitié, des occasions d’apprendre, d’écouter, d’interroger. Je retrouve les profils habituels de ce genre d’assemblée, les mêmes types d’interventions, certaines pertinentes, d’autres moins maîtrisées, les envolées et les yaquafautquon de certain(e)s. Au bout du compte, c’est toute la richesse et la diversité de la vie associative qui s’exprime là. L’après-midi les participants de la table ronde captent l’attention du public par la teneur et la diversité de leurs interventions. Quelques soucis de logistique, un peu de longueurs, mais l’intérêt du propos est réel. Pour finir, c’est le conseil d’administration qui se réunit toute une journée. Assemblée amicale qui laisse percevoir toute l’importance et le dynamisme nécessaire au fonctionnement du monde associatif quand par ailleurs ses moyens le laissent toujours au bord de la fragilité. On avance parce qu’on y croit, au prix d’un engagement permanent et d’initiatives sans cesse renouvelées.
Durant la semaine je m’échappe en compagnie de JDS pour visiter l’exposition À la recherche du Petit Prince au musée des Arts Décoratifs. Si riche qu’on ne parvient pas à tout lire. Mais c’est un bonheur que de voir les dessins de Saint-Ex, de se replonger dans cette histoire qui est bien plus que d’enfance. Il s’agit de « tenter de rendre visible la trame existentielle et morale d’un livre dont le rayonnement universel n’a d’égal que sa très grande authenticité intime. » est-il écrit au dos du catalogue.
Je m’échappe aussi dans les mots de Lambert Schlechter lus dans sa contribution au numéro des Moments littéraires que consacre Gilbert Moreau aux diaristes du Luxembourg. Vagabondage dans des livres familiers pour mettre en parallèle une philosophie ancienne avec les soucis personnels et collectifs du contemporain. Déconstruction savante du propos pour dire avec humour, provocation malicieuse les aléas de l’existence plutôt qu’un ordre grave et sentencieux de la pensée. « Parce que l’incohérence est préférable à l’ordre qui déforme », dit-il en citant Gide.
Internet
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Arts Déco | À la recherche du Petit Prince
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Wikipédia | Lambert Schlechter