Canicule

Bernard M.

 Depuis mardi, nous voici plongés dans la canicule. C’est arrivé de façon brutale et l’épisode semble devoir durer toute la semaine, en s’amplifiant : 35 hier, 37° aujourd’hui, 41 annoncé pour vendredi !

Le mardi c’est normalement notre jour de sortie avec notre groupe local de randonnée. Mais la marche prévue a été annulée. Je me suis dit : tout de même, c’est exagéré, on ne va pas se mettre dans notre coquille dès qu’il fait 35°. Finalement je pense que les organisateurs ont eu raison. Je suis sorti une demi-heure en fin d’après-midi. Ça m’a suffi. Je suis rentré en nage. Le bitume et les façades claires des maisons réverbèrent et enserrent le promeneur dans une gangue de chaleur. Bon, en campagne et sous les arbres ç’aurait été un peu différent et moins pénible sûrement, mais quand même…

Toujours est-il que cette réclusion forcée à la maison m’a permis d’avancer sur diverses tâches obligées de la période : finaliser l’organisation des « vacances » de mon père, plus exactement de sa prise en charge pendant les congés de la personne qui s’occupe de lui au quotidien avec un magnifique dévouement et qui mérite bien de souffler un peu. Nous voulions d’abord aller en Bretagne, mais l’EPHAD à proximité de notre petit pied-à-terre marin ne pouvait le prendre. Ce sera donc ici dans notre sud-ouest en espérant que la météo ne sera pas trop caniculaire. Ici aussi ce sera l’EPHAD, car il n’est plus possible que nous le recevions chez nous comme nous avions pu le faire encore l’an dernier. Monter le dossier, prendre le billet d’avion, réserver le service d’accompagnement, tout ça est assez chronophage. L’APA m’a aussi pas mal mobilisé, car nous voici confrontés, à notre grand regret, au départ vers d’autres horizons professionnels de notre permanent à Ambérieu, compétent, sympathique, enthousiaste, c’est un coup dur, et il nous faut lancer sans tarder une campagne de recrutement même si nous avons déjà sous le coude une personne qui devrait pouvoir faire l’affaire, mais il nous faut tout de même la confronter à d’autres candidatures.

 La maison heureusement reste fraîche. Vieille bâtisse aux murs épais, elle conserve à peu près la fraîcheur, à condition que nous soyons très attentifs à fermer fenêtres et volets dès que la température monte, très vite maintenant, dès neuf heures. Il faut se lever tôt, vers six heures, six heures et demie, aérer et organiser les courants d’air tant qu’il fait frais, puis tout refermer. Le rez-de-chaussée reste plus frais, et spécialement le hall d’entrée commun à tout l’immeuble. Le soleil ne donne jamais directement sur lui, car le porche d’entrée, muni d’une porte pleine, est en retrait sous les galeries de la place et, côté jardin où le porche est partiellement vitré, il y a l’ombre du grand cèdre aux heures les plus chaudes. Je me souviens que mon grand-père au plus fort de l’été aimait s’asseoir dans ce hall et y tenir salon, il y avait installé une petite table et des sièges de jardin, il aimait y lire ou y rêvasser et échanger quelques mots avec les autres habitants de l’immeuble lorsqu’ils passaient…

Nous avons beaucoup d’oiseaux cette année, plus que les années précédentes et c’est un signe encourageant quoique bien fragile au milieu de toutes les nouvelles désastreuses à propos de la perte de la biodiversité. Les autres années nous avions un couple de tourterelles, quelques merles, et une ou deux pies. Pas de pies cette année, et ceci d’ailleurs explique peut-être cela. Nous avons, outre merles et tourterelles, plusieurs sortes de petits oiseaux chanteurs, rouge-gorge, rouge-queue, mésanges. De nombreux vols de martinets aussi, et même, me semble-t-il, quelques hirondelles, difficiles de les distinguer avec sûreté. Ce serait vraiment un retour, car cela faisait longtemps que l’on n’en voyait plus.

À cause de la chaleur, on déjeune à l’intérieur, volets fermés, mais le soir, on dîne tout de même dehors sur la terrasse, un peu tard pour laisser s’évacuer une partie de la chaleur du jour. À cette heure-là tous les oiseaux se sont tus. Quand commence un autre concert, pas très agréable celui-ci, celui des étourneaux qui s’installent sur les platanes de la place de la mairie. Ils arrivent par vagues, vont et viennent à la tombée du jour en vastes nuées, ils se posent puis tournoient de nouveau dans le ciel au-dessus de nous. Outre leur chant pas très mélodieux (mais peut-on parler de chant ?), il y a le bruit des vols eux-mêmes, un vrai raffut, c’est comme un souffle, comme une vague, comme une grande aile qui bat au-dessus de nous. C’est impressionnant. J’imagine que pour les gens qui ont la phobie des oiseaux cela doit être une horreur intégrale. Je me souviens d’une de mes amies qui ne pouvait pas même envisager l’idée d’aller voir le film Les Oiseaux d’Hitchcock. Elle ne serait pas heureuse sur notre terrasse en ce moment. La furia des étourneaux démarre vers neuf heures et s’apaise une fois la nuit complètement tombée. C’est impressionnant et mystérieux. Comment tout cela s’organise-t-il ? Quels sont les ressorts de ces fonctionnements collectifs ? Où vont-ils et jusqu’à quand seront-ils là ? Je n’y connais rien et la vague consultation que j’ai effectuée sur Internet n’a guère répondu à mes questions. J’ai l’impression en tout cas que les autres années ces regroupements intervenaient plus tard dans la saison. Hier, pour la première fois cette année, la mairie est intervenue en tirant des salves de pétards pour essayer de les faire fuir au moment où le raffut commençait à se calmer vers dix heures et quart, pour éviter, j’imagine, que la place de la mairie et les voitures qui y sont garées ne soient constellées de fientes au matin…

Comments

[Nadine P.]

J'ai eu envie il y a quelques jours de mettre une chaise dans le hall de mon immeuble, un lieu très frais mais pas très accueillant. J'y ai renoncé. J'aurais aimé être une des personnes s'asseyant à la table de ton grand-père pour papoter un peu !