Plaisir du journal

 Bernard M.

 Je lisais ces derniers jours un numéro des Moments littéraires, la revue de Gilbert Moreau, consacré aux diaristes belges francophones. C’est une évidence, mais bien intéressante à constater que les diaristes peuvent utiliser une très grande variété de formes : journaux à courtes entrées régulières et rapprochées ; longue entrée survolant une période ; présentation sous forme d’un abécédaire, la datation indiquée ne déterminant pas alors l’ordre des entrées ; succession de pensées et de ressentis sans datation précise ; planche de bande dessinée hebdomadaire…

 Pour ma part je pratique il me semble plutôt la chronique. Je pars du vécu du moment ou d’un souvenir et je le leste de pensées et de réflexions souvent très écrites, trop peut-être, je pèse mes mots, je balance ma phrase, je corrige jusqu’à avoir la forme qui me semble refléter au mieux ma pensée tout en étant fluide et agréable à lire.

 Mais ces derniers temps je me fatigue de cette forme, je me fatigue surtout du travail qu’elle demande, du temps qu’elle prend. Il me semble que j’ai envie d’une expression plus rapide, plus spontanée. J’ai eu envie de retrouver le plaisir simple du journal, non apprêté, fait d’entrées fréquentes et courtes. Depuis une semaine je m’y suis mis. Je ne sais trop si je continuerai sous cette forme et si je trouverai sens à partager ces écritures sur un blog comme celui-ci. Nous verrons bien…

 Samedi 18 juin : Canicule. Enfermé derrière nos volets jusqu’en fin de journée. Puis montée au lac, plaisir intense de la baignade dans le jour qui descend. Puis dîner sur la terrasse. De nouveau l’arrivée bruyante des étourneaux sur les platanes de la place de la mairie. Pas de tir de pétard pour les faire fuir ce soir. Le raffut s’apaise progressivement, comme une vague qui retombe. Arrivée des chauves-souris que l’on reconnaît à leur vol erratique. La nuit est tout à fait tombée. Je n’ai pas bougé. Je respire et je contemple la nuit, longuement. Ça vaut un livre ou la télévision. C’est un beau moment.

 Dimanche 19 juin : Élections. Je les aurais presque oubliées. Je me suis traîné au bureau de vote en plein cagnard, hésitant jusqu’à la dernière minute. La radicalité de Mélenchon ne me va pas, ses bons mots et son talent oratoire, qui peuvent m’amuser, finissent par m’agacer. Mais bon je ne vais pas voter blanc quand même ! Donc Nupes finalement. J’aurais eu moins d’hésitation si j’avais eu à me prononcer pour un écolo ou un PS bon teint, mais ce n’est pas l’offre ici. À 17 h, un film au ciné local, Utama, la terre oubliée, qui suit la vie d’un éleveur de lamas sur l’Altiplano bolivien, la vie quotidienne et le bouleversement qu’apporte une maladie grave et l’approche de la mort. Émouvant et beau, un peu longuet par moments. Une parenthèse avant de revenir se coller à notre actualité avec les résultats électoraux. Intéressant cette configuration qui va redonner une place importante au Parlement, mais inquiétude avec ce RN qui se banalise, les digues face à lui s’effritent dangereusement.

 Mercredi 22 juin : je reviens de Toulouse où j’ai passé deux jours. Nous travaillons, sous la houlette d’une comédienne professionnelle, les textes déposés à l’APA évoquant Ambérieu et sa région, afin d’aboutir à une lecture théâtralisée qui constituera le spectacle du vendredi soir en ouverture des Journées. J’y allais un peu à reculons, regrettant de m’être engagé. C’est lourd cette préparation : deux jours pleins cette semaine, deux jours encore la prochaine, avant de remonter à Paris, pour le comité de rédaction de la revue, puis pour une réunion de bureau, et pour moult tâches familiales, avant de filer à Ambérieu. Je me sens un peu débordé, bousculé, l’âge peut-être, l’âge sans doute… Mais force est de reconnaître que je me suis bien pris au jeu, c’est une activité très intéressante et plaisante même si assez fatigante que cette mise en forme progressive de notre lecture, mise en voix, mise en scène, organisation des mouvements…

 Samedi 25 juin : Vu Clèves en replay à la télé. Très joli film, à la fois assez cru et très sensible sur la découverte du corps et de la sexualité par une adolescente. Du coup j’ai repris et relu le livre de Marie Darrieusecq dont le film est tiré. Très cru aussi. Beaucoup plus que le souvenir que j’en avais de ma précédente lecture. Cru parce que brut, direct, ne s’encombrant pas de circonvolutions verbales inutiles, cherchant à être au plus près des désirs, des ressentis, des vécus d’une jeune fille en pleine tempête post pubertaire lorsque « le faire » devient quasi obsessionnel.

 

 Dimanche 26 juin : Légère bruine, temps complètement bouché, ça rafraîchit et humidifie la terre qui en avait bien besoin. Beaucoup de paperasses aujourd’hui. Un bon moment de cinéma quand même : Compétition officielle, un film très plaisant, joyeux, qui vaut notamment par ses formidables performances d’acteur. Mais qui, derrière sa légèreté, a aussi du fond autour de ce que c’est de jouer, de faire l’acteur et d’être soi ou pas. La fin instille une véritable émotion et une gravité que l’on n’attendait pas. Et maintenant je prépare ma valise. Demain dès l’aube en route pour Toulouse pour la fin de notre préparation de lecture, puis pour Paris quelques jours, pour Ambérieu et les Journées ensuite…

Internet

• Les Moments littéraires

• P.O.L. | Marie Darrieussecq, Clèves

• Arte replay | Clèves