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Grains de sel
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19 octobre 2023

Circoncision, excision et sexualité

Abdellaziz Ben-Jebria

logo_sexualite      Je me souviens toujours de cet horrible moment ; et comment pourrais-je l’oublier ? C’était le plus mauvais souvenir de mon enfance. J’avais neuf ans lorsque mon circonciseur m’a brutalement décalotté le gland en le forçant à se décoller du prépuce rétréci (phimosis) avant d’étirer celui-ci vers l’avant pour le couper, sans anesthésie, avec ses ciseaux de coiffeur. Cette circoncision traditionnelle, de l’époque, fut un moment d’un réel traumatisme qui avait longtemps impacté mes cogitations psychologiques sur ma future sexualité.

En effet, depuis ce jour et jusqu’à ma puberté, je n’arrêtais pas de penser aux devenirs de ma sexualité dont je n’ai pu vérifier sa jouissance fonctionnelle que lors de la première masturbation. Et ce n’est qu’au cours de mes premiers amours et au moment de ces passades que mon esprit s’est finalement apaisé en constatant que mes plaisirs sexuels semblaient normaux.

Cependant, depuis que je suis devenu chercheur scientifique, je ne pouvais pas m’empêcher de me poser souvent la question suivante : la qualité fonctionnelle de ma sexualité serait-elle la même si je n’étais pas circoncis ? Je ne peux évidemment pas donner une réponse personnelle objective en absence de comparaison ; il est aussi difficile de répondre, d’une manière générale, à cette question, car très peu de gens se font circoncire à l’âge adulte, pour des raisons de conversions religieuses ou de santé. En outre, l’immense majorité des juifs, des musulmans et des Américains se circoncisent à la naissance ou peu de temps après. Une étude comparative sur la fonction sexuelle, avant et après circoncision, bien que très intéressante, serait donc très difficile à réaliser d’une manière objective. En plus, la qualité fonctionnelle de la sexualité dépend probablement de plusieurs facteurs subjectifs.

20231019gds-vie_abj_circoncision_excision_sexualite_shema     Quant à la l’excision (E), ou plus correctement appelée « Mutilations Génitales Féminines (MGF) », est une procédure chirurgicale rudimentaire de pratique ancestrale qui consiste en l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes féminins. Ses conséquences délétères d’ordres physiques, psychologiques et sexuels, chez ces filles et femmes excisées, sont nombreuses et bien documentées. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), on estime qu’il y a, de nos jours à l’échelle mondiale, plus de 130 millions de filles et de femmes qui ont subi l’E/MGF, et que chaque année plus de 3 millions de filles supplémentaires subiraient ce genre de pratique.

L’origine précise de l’usage de l’excision est peu connue des chercheurs historiens. Cependant, il existe des textes antiques qui témoigneraient de sa pratique, bien avant l’apparition des religions monothéistes. Par exemple, il semblerait que l’excision des femmes égyptiennes remonte à plus de cinq mille ans avant Jésus-Christ, et qu’elle aurait été pratiquée à l’époque des pharaons ; d’ailleurs on a pu retrouver des momies égyptiennes excisées. C’est peut-être pour cela que l’infibulation porterait aussi le nom d’excision pharaonique qui est très pratiquée en Égypte, au nord du Soudan et en Afrique de l’Est. Plus tard, mais avant l’apparition de l’Islam, les pays de la corne d’Afrique justifiaient les fondements mythiques d’usage de la procédure en rapportant que l’on pratiquait l’excision pharaonique sur les filles pour les protéger contre les viols au moment des razzias arabes.

L’excision ne se limitait pas aux pays africains ; elle se pratiquait aussi en Europe au 18e, 19e et même au début du 20siècle. En effet, le fameux gynécologue, Isaac Baker Brown (1811-1873), membre du « Royal College of Surgeons » (1848) et président de la « Medical Society of London » (1865), pratiquait déjà couramment l’intervention chirurgicale de la clitoridectomie et recommandait son usage pour soigner plusieurs conditions d’épilepsie, d’hystérie et de catalepsie. Il revendiquait même que la masturbation féminine était à l’origine de ces maladies nerveuses. Cependant, après une série de controverses, parues dans « Lancet » et « British Medical Journal », le docteur Baker Brown a été exclu de la présidence de la « Medical Society of London » et a perdu son poste de gynécologue à l’hôpital londonien, St Mary, qu’il a co-fondé en 1845. À la suite de ces événements, il n’a jamais pu rétablir sa carrière jusqu’à sa mort en 1873. Ceci n’a malheureusement pas empêché la clitoridectomie de continuer à être pratiquée, jusqu’en 1935 aux États-Unis, dans des hôpitaux psychiatriques et des prisons, pour prévenir la masturbation féminine et traiter le lesbianisme.

Parmi les 130 millions, et plus, de femmes ayant subi, à travers le monde, une forme d’E/MGF, environ 120 millions d’entre elles vivent dans une trentaine de pays africains qui forment une large bande allant notamment du Sénégal et de la Mauritanie à l’ouest (côte atlantique) jusqu’à l’Égypte et la Somalie à l’est (corne de l’Afrique). L’excision est aussi pratiquée, dans une moindre mesure, dans certains pays d’Asie (Malaisie, Indonésie, Inde, Pakistan) et du Moyen-Orient (Irak, Oman, Yémen). Cependant, les pays occidentaux de l’Europe, du Canada, des États-Unis d’Amérique et de l’Australie, ne sont pas épargnés par le développement de ce phénomène, touchant ainsi et essentiellement des fillettes immigrées qui subissent secrètement et illégalement des mutilations génitales.

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Pour illustrer l’ampleur de ce phénomène, notons que l’excision est presque universelle dans quatre pays où la prévalence est au-dessus de 90 %, notamment en Somalie (98 %), en Guinée (96 %), en Djibouti (93 %) et en Égypte (91 %, plus de 27 millions). Elle est, tout de même, proche de 90 % dans quatre autres pays ; c’est le cas du Mali (89 %), de l’Érythrée (88 %), de la Sierra Leone (88 %) ou du Soudan (88 %, plus de 12 millions). Cette prévalence est, néanmoins, très élevée à la Gambie (76 %), en Burkina Faso (76 %), en Éthiopie (74 %), en Mauritanie (69 %), au Liberia (66 %) et en Guinée-Bissau (50 %). Elle varie entre 10 % et 40 %, au Tchad, en Côte d’Ivoire, au Kenya, au Nigeria (20 %), au Sénégal, en Afrique Centrale, au Yémen, en Tanzanie, au Bénin et en Irak. Elle est en dessous de 5 % au Ghana, au Togo, au Niger, au Cameroun et en Ouganda.

Pour élargir cette prévalence à travers le monde occidental, les « Centers for Disease Control and Prevention (CDCP) » estiment qu’il y aurait au moins 200 000 fillettes qui risquent d’être forcées à subir une forme d’E/MGF aux États-Unis d’Amérique ; ce chiffre est probablement une sous-estimation de la réalité, car ce phénomène, qui est un tabou, mais qui est interdit depuis 1997 aux É.-U., est pratiqué secrètement par crainte de persécutions, et pas facilement dénoncé par les fillettes par peur de leurs familles. En outre, l’excision concerne environ 53 000 et 170 000 femmes, respectivement en France et en Angleterre.

Les effets délétères de l’excision, à court et à long terme, sur les filles et les femmes qui la subissent sont très nombreux. L’OMS a répertorié une longue liste de conséquences physiques, psychologiques et sexuelles chez ces personnes. Les complications immédiates des procédures de l’E/MGF peuvent inclure des douleurs aiguës, des hémorragies, des infections avec absence de cicatrisation et même des décès. Quant aux conséquences à long terme, il peut s’agir de l’incontinence urinaire ou de l’obstruction chronique des voies urinaires, des douleurs endurées, des difficultés fréquentes au travail et des complications lors de l’accouchement. Les conséquences sexuelles sont évidentes, car l’ablation partielle ou totale du clitoris, qui est l’organe génital externe le plus sensible de la femme, entraîne inévitablement des altérations de la sensibilité sexuelle. En outre, les souffrances endurées et chroniques des femmes excisées entraineraient des complications psychologiques telles que des angoisses, des dépressions voire même des tentatives de suicide.

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