Chroniq’hebdo | De l’école, de Miyazaki et de la poésie

13 novembre 2023

Chroniq’hebdo | De l’école, de Miyazaki et de la poésie

Pierre Kobel

Je repense à ce que j’écrivais la semaine passée à propos du Consentement de Vanessa Spingora et du film qui en est l’adaptation lorsque j’entends Christine Angot sur France-Inter qui parle avec une voix plombant sa chronique hebdomadaire. Chaque semaine elle vient faire le procès des agresseurs sexuels, ce jour-là Depardieu, elle dénonce telle une procureure des faits qu’il est temps de mettre à jour, mais je n’y peux rien, je la trouve insupportable ! Je l’écoute, je l’ai lue, j’apprécie sa plume, j’entends la femme blessée qu’elle est, mais je ne supporte pas qu’elle fasse son fonds de commerce de ses blessures, qu’elle ramène sans cesse la littérature à cela au lieu de la pratiquer pour s’élever au-dessus.

J’ai reçu cette semaine le cahier de l’APA Nos écoles et il est réussi à la hauteur de ce que nous espérions avec Elizabeth. Je suis heureux de ce résultat, il est encourageant pour l’avenir de Grains de sel et des collectes en cours et à venir. L’école encore lorsqu’une contribution de l’une qui raconte son expérience de parent face aux enseignants amène une autre contributrice à raconter son premier face-à-face de professeure débutante avec les parents de ses élèves. J’aime ces passerelles, ces rebonds, ces entrelacements de textes qui forment des ensembles et parlent au-delà de chaque auteur(e). Encore une anecdote de parent d’élève que me raconte ma compagne. Son fils est en CP, elle se rend à une réunion de parents avec l’instit et s’assoit, comme les autres, à son invite, à la place de son fils dans la classe. La curiosité la pousse à explorer ce qui est dans la case du bureau et elle découvre dans un cahier un exercice proposé par l’enseignant : « Citez 3 noms de céréales. » Réponse : « Chocapic, Miel Pops et Choco Pops ! » Le maître qui voit la scène s’en amuse : « Rassurez-vous, ils ont tous écrit la même chose ! »

Je suis allé voir le nouveau film de Miyazaki, Le garçon et le héron, qui m’a ravi. J’ai trouvé là ce que je cherche au cinéma, et aussi dans tous les arts de l’image : le passage à travers le miroir. Moi qui ne suis pas très adepte du fantastique, j’y adhère totalement lorsque je peux entrer dans une œuvre qui en relève. Avec le film de Miyazaki, je me suis échappé durant deux heures de la réalité pour un autre espace-temps, un au-delà où je me suis reconnu, jeune garçon aspirant à être le héros d’aventures qui dépassent notre réalité.

Sans que je ne l’aie jamais abandonnée, la poésie retrouve plus de place dans mes chantiers d’activité. Je travaille avec un ami à un projet de revue en ligne, je me plonge dans les piles de recueils et de revues qui jalonnent mon chez-moi. Un soir je retrouve mes amis des éditions Bruno Doucey pour une rencontre dans la librairie parisienne Compagnie qui a le mérite — trop rare ! — d’avoir un rayon poésie honorable. L’invitée est Hélène Dorion, une des grandes voix contemporaines de la poésie du Québec et dont l’avant-dernier recueil Mes forêts est inscrit au programme du baccalauréat 2024. J’aime la façon dont elle dit la place de la nature dans son appréhension du monde, quel intercesseur elle est pour la propre connaissance d’elle-même et pour sa relation aux autres.