Olivaison-2023 : une agréable surprise

Abdellaziz Ben-Jebria

Voilà plus de deux ans que la pluie boudait la Tunisie, et surtout le Sahel de Sousse où l’olivier semble souffrir, cette année, d’une exceptionnelle déshydratation, malgré son habituelle résistance exemplaire à la sécheresse. Moi qui aime fidèlement l’olivier, j’étais profondément affligé de constater, pour la première fois de ma vie, des branches et des ramures séchées sur un certain nombre d’arbres. On imagine bien le triste décor de certaines oliveraies qui ne perdent presque jamais leurs feuilles pour conserver la joliesse de leur habituelle verdoyance.

J’avoue cependant que les oliviers de ma défunte mère ont bien résisté à cette longue sécheresse ; ils tiennent le coup et sont raisonnablement en bonne santé. Il faut reconnaître que je faisais labourer leurs champs dès la première goutte de pluie pour déraciner les mauvaises herbes et les empêcher de partager, avec l’olivier, la moindre gouttelette d’eau ; je les faisais aussi tailler régulièrement pour minimiser les vieilles branches et éviter qu’elles se nourrissent avec les jeunes.

Mais, depuis la fin de la saison printanière, on s’attendait à ce que la récolte de cette année 2023 soit très maigre, dans toutes les régions, sauf peut-être aux alentours de Kairouan où les oliviers sont arrosés de l’eau douce puisée à des sources souterraines non profondes.

Je suis rentré au bled, au début du mois de septembre, avec le désir de poursuivre, comme d’habitude, l’entretien et la rénovation de la maison des parents, avant d’apprécier le plaisir de ma classique et coutumière cueillette des olives. Dès mon arrivée, j’ai fait une rapide tournée de nos oliveraies où j’ai constaté un certain dégât de la sécheresse que j’ai évoqué auparavant, chez beaucoup de nos voisins. Et à la fin de mon tour d’horizon, j’ai observé que, sur les 150 oliviers que nous avions hérités de ma mère, seulement une dizaine sont chargés d’un peu de fruits. J’ai donc pensé que la récolte de la saison sera exceptionnellement médiocre.

 Mais d’abord, les travaux de rénovation de notre maison de famille ont pris deux mois pour finir comme je le souhaitais ; et pourtant il s’agissait tout simplement d’installer deux nouvelles portes à l’entrée principale et de refaire le carrelage de la grande cour (≈ 300 m²). Il aurait fallu donc changer de maçons pour satisfaire mes exigences technique et esthétique. Je dois reconnaître que mon petit cousin, Hamdi, était d’une grande aide dans ce projet. C’est un jeune homme talentueux qui aime le travail et qui touche à tout (maçonnerie, plomberie, électricité, etc.) ; mais avec un Bac + 3 ans d’études supérieures, l’électricité est sa principale profession.

     À peine deux semaines pour nous reposer, après la fin de ces pénibles travaux de restauration, voilà que Hamdi et moi avons pris le chemin de la campagne pour cueillir ce qu’il y a sur les quelques oliviers qui ont pu produire un peu de fruits. Mais, je dois préalablement avouer que la compagnie de Hamdi, pendant cette courte olivaison, a aussi apaisé les soucis que j’ai habituellement concernant les mésaventures techniques de la vielle camionnette, Peugeot-404 (1975) (héritage de mon défunt père), qui ne cessait de m’enquiquiner, tous les ans, avec ses caprices truqués lors de démarrage, d’embrayage, et de changement de vitesse. Hamdi fut encore d’un grand renfort en la matière, en absence de mon neveu Chiheb. Mais, je reconnais qu’il faudrait bien qu’un jour ce patrimoine soit restauré avec le plus grand soin possible pour qu’on puisse s’en servir utilement au moins pour transporter nos olives.

Au bout du compte, Hamdi et moi avions donc passé une bonne semaine de cueillette d’olives. Elle était remplie de joie, en compagnie de ma sœur Jamila qui nous rejoignait, comme d’habitude, tous les après-midi, accompagnée du déjeuner que nous délections ensemble tous les trois, suivi d’un petit moment de repos. Celui-ci nous permettait de bien digérer le repas, avant de reprendre le travail de l’après-midi au cours duquel nous savourions les trois tournées du thé rouge que Jamila nous servait, parfumé de thym sauvage, et accompagné de petites cacahuètes grillées.

     Cependant, malgré mes prédictions pessimistes, cette courte semaine d’olivaison était comblée de bonheur intense pour plusieurs raisons. D’abord, le vécu de ces sept belles journées printanièrement ensoleillées nous a enchanté, jour après jour, d’espoir et d’optimisme concernant la bonne surprise d’une récolte inespérée. Ensuite, comme à l’accoutumée, la joyeuse campagne et ses oliveraies ont apaisé les pénibles frustrations au regard des préalables travaux de restauration de la maison des parents. Puis, nous avions eu une très belle réunion familiale à la campagne, un jour de dimanche, regroupant tous les membres présents, petits et grands, autour d’un grand repas alléchant, à la suite duquel les enfants ont participé joyeusement à la cueillette tout en s’amusant dans les alentours sans restriction. Et enfin, quelle était mon agréable surprise quand, à la fin, cette olivaison nous a offert 200 litres d’huiles ? Que puis-je dire de plus, pour terminer, à part remercier ma mère et mes aïeux maternels, les « Rabbègue ». Ces derniers sont aussi remerciés par tous mes proches, mes quelques bons amis et voisins, à qui j’ai donné, chacun, une bouteille d’huile, parce qu’ils n’ont pas la chance d’en posséder.

Je voudrais saisir cette belle occasion pour souhaiter, à tous mes amis du monde, de bonnes fêtes de Noël et de fin d’année.

Comments

[Bernard M.]

Cette petite chronique méditerranéenne et ensoleillée nous fait du bien à nous qui sommes pour l'instant sous une grisaille un peu triste. Content que la récolte ait été bonne finalement malgré les conditions difficiles. Et meilleurs voeux à toi et aux tiens ami Abdelazziz.

[AM Krebs]

Merci Adellaziz pour ce beau récit de la cueillette des olives, il rappelle ceux des moissons et vendanges d'autrefois dans la France rurale du début du 20ème siècle, une éternité!