N et Leo…

6 février 2024

Anne-Claire Lomellini-Dereclenne

Il y avait d’abord eu cette avant-première du Napoléon de Ridley Scott. La séance avait été suivie d’un débat avec des historiens qui avaient déjà vu le film en avant-avant-première et avaient passé la majeure partie du temps à commenter la chronologie des batailles, la vraisemblance des costumes et l’âge du petit caporal qui semblait figé par les mêmes traits, les mêmes rides, précoces à Toulon, plus réalistes sur la défaite de Waterloo. Un seul et même acteur entre le siège de Toulon et l’exil à Sainte-Hélène, il fallait oser, mais bon… À la fin de cette première séance, en sortant du cinéma, j’avais croisé l’historien Xavier Mauduit dont j’écoute les chroniques sur France Culture et souvent aussi, le soir, sur Arte dans l’émission 28 minutes.

Cette première séance avait comme un air de fête. Certains admirateurs de l’empereur entrèrent dans la salle en entonnant le chant du départ et l’un d’eux arborait même le bonnet à poils de grenadier à pied de la garde impériale. J’espère qu’il avait eu bon goût de l’enlever au cours de la séance… Malgré le filtre bleu un peu trop persistant sur quelques plans, certaines scènes un peu trop surréalistes (le haut de la pyramide de Gizeh détruit par un boulet de canon lors de la campagne d’Égypte), d’autres trop crues et sans intérêt pour le film, selon moi, la soirée s’était bien déroulée.

Et puis, il y a eu cette soirée en début de semaine, animée par le même Xavier Mauduit, dans le même cinéma dont le but était de proposer un débat sur le Napoléon cinématographique à partir d’extraits de films. D’abord le Napoléon théâtral de Sacha Guitry, puis le Waterloo, de Bondartchouk, film de 1970, et enfin Monsieur N. d’Antoine de Caunes, sur l’exil à Sainte-Hélène. Entre chaque extrait un mini-débat entre l’historien, la conservatrice du musée de l’Armée, des reconstitueurs dont le métier consiste à réaliser et participer à des reconstitutions historiques, et enfin la présidente de la Fondation Napoléon. Il y eut encore des débats sur les costumes, les armes, les batailles, le « soleil d’Austerlitz »… Mais surtout, cet engouement, cette ferveur égale autour d’une seule et même personne.

Pèlerinage à Sainte Hélène, reconstitution de batailles, ventes aux enchères de bibelots ayant appartenu à l’idole…

Mais quelle fascination !

Quelle passion !…

En sortant de ces séances, je restai à la fois perplexe et quelque peu admirative. Napoléon est né le 15 août 1769 et mort le 5 mai 1821. C’est sans doute le personnage historique le plus présent dans le septième art et son art de la guerre est encore enseigné dans toutes les écoles militaires du monde.

Personnellement j’évite toujours le culte de la personnalité. Je n’aime pas cela. Je sais les dérives qui peuvent être associées à l’excès d’admiration. Celles liées à l’exercice du pouvoir. Je n’approuve pas cela. Ce n’est pas dans ma nature. J’ai voulu comprendre, en savoir plus et j’ai emprunté une revue Histoire consacrée à Napoléon à la bibliothèque. Elle porte un macaron « 2021 – année Napoléon ».

Quelle fierté !

Quelle suffisance en trois mots !

Quelle insistance ! Quelle glorification, déplacée, j’allais dire...

J’ai passé deux ans en Guadeloupe auprès d’une population composée en majeure partie par des descendants d’esclaves dont même l’existence actuelle semble marquée par la trace du joug colonisateur. Napoléon a rétabli l’esclavage en 1802, entraîné la mort de milliers de personnes…

Quelle idée de le glorifier à ce point ? Son tombeau aux Invalides n’est-il pas suffisant ?

Je sais que nombreux seraient ceux, admirateurs du grand (petit) homme qui pourraient être choqué par de tels propos s’ils en avaient connaissance.

Mais je maintiens.

Sinon, je suis allée voir un petit film d’animation qui s’appelle Léo, et qui parle de la vie de Léonard de Vinci, né en 1452, mort en 1519, avec la voix d’André Dussollier. Un film d’animation, quelques documentaires pour un génie de son époque. Point de culte.

Il y a des personnalités.

Il y a aussi des génies.

Ainsi va la vie.

Internet