Des livres et de la lecture
Pierre Kobel
Je ne sais ce que les livres sont le plus pour moi. Un rempart, une protection ou un lien au monde, une ouverture à la connaissance que je ne parviens pas à acquérir autrement. À moins qu’ils ne soient un peu les deux. D’une part un refuge lorsque mon existence me semble grisâtre et maussade, d’autre part source de profit intellectuel et de plaisirs multiples.
Les livres sont une nourriture. J’aime manger, j’aime lire. Un bon livre se déguste comme un bon plat ou un bon vin. Il y a du bon du mauvais. Il y a de l’ordinaire et de l’exceptionnel, on a besoin des deux.
Il y a les mots, il y a les livres, si denses, si pesants et tous ceux qui s’envolent, légers, brillants et riches dès qu’on les ouvre. Il y a tout cela que je peux faire un peu mien à ma façon, avec lequel je peux faire « mon monde », ma cosmogonie, mon univers imaginaire et qui me fait respirer. Et c’est ainsi que la littérature, d’abord refuge égoïste, ensuite miroir entre le monde et moi, devient un moyen de communication. Je n’ai pas à garder pour moi ce privilège des mots, mais je dois le partager. C’est ma part à la respiration de chacun, à son évasion du quotidien. C’est ma façon d’aider à comprendre pourquoi, comment et où nous vivons. C’est ma façon de rencontrer les autres, de m’enrichir de leurs différences, de ne pas me tenir à une seule vérité, de cultiver le doute et de me départir du repli sur soi.
Les livres font plus que m’entourer, ils envahissent mon logis dans toutes les pièces, se dédoublent sur les étagères, s’empilent au sol, se font oublier, surgissent d’un oubli de 20 ans quand ils redeviennent utiles. Garde rapprochée du lecteur, intercesseurs avec le monde, ils en sont à la fois un miroir et une projection nécessaires à sa bonne marche.
Connaissez-vous le Tsundoku ? C’est le mot japonais qui désigne cette pratique consistant à accumuler plus de livres qu’on ne pourra jamais en lire. Ainsi Umberto Eco qui avait accumulé 30 000 ouvrages chez lui. Ainsi Alberto Manguel qui en a accumulé tout autant. « Une bibliothèque privée n’est pas un appendice stimulant l’ego, mais un outil de recherche. Les livres lus ont beaucoup moins de valeur que les livres non lus. La bibliothèque devrait contenir autant de ce que vous ne connaissez pas que vos moyens financiers, les taux hypothécaires et le marché immobilier actuellement serré vous permet d’y mettre. Vous accumulerez plus de connaissances et de livres en vieillissant, et le nombre croissant de livres non lus sur les étagères vous regardera d’un air menaçant. En effet, plus vous en savez, plus les rangées de livres non lus sont grandes. Appelons cette collection de livres non lus une anti-bibliothèque. » écrit Jessica Stillman.
Jamais je ne pourrai vivre sans livres, sans lecture, sans l’outil de sagesse que sont les mots.
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