Confinement
C.P.
J’habite un pavillon dans un lotissement construit dans les années 70 dans une petite ville.
Les Romains s’y étaient installés avant moi, Jules César mentionne la cité dans « La guerre des Gaules ».
Prospère au 19e siècle grâce à l’industrie textile, elle ne s’est pas remise de la Révolution – industrielle.
J’habite à l’entrée de la ville, près du carrefour de l’Espérance, c’est l’entrée des Parisiens pour Deauville quand on ne prend pas l’autoroute payante.
Mon environnement : des immeubles, une école, un petit centre commercial qui fait grise mine, comparés à cette zone commerciale qui a dévoré les champs, route de Paris, verrue de tous les abords de villes.
Pendant le 1er confinement, notre rayon de respiration était donc les aires désertes de jeux entre les immeubles, les allées où l’on promène son chien (il y a bien une Allée du chien), les parkings de moyennes surfaces et station-service/lavage.
La lecture, la musique, les coups de téléphone à la famille et aux amis étaient nos seules occupations avec l’inévitable worldweb.
Nos distractions : porter notre regard sur les petits jardins des pavillons alignés, tous pareils, dessinés sur le même modèle, et sur notre propre terrasse où chemine un chat, où se pose un rouge-gorge…
Restent alors les souvenirs, comme des bonbons.
Pour une provinciale qui rêve de Paris depuis toujours, Paris inaccessible, il reste la mémoire de moments magiques.
Arrêtée sur le trottoir, avec un plan devant les yeux, une Montmartroise me demande ce que je cherche : « Rien précisément, mais découvrir… »
Voir en vrai ce que l’on a lu, entendu, rêvé, sentir la poésie, la musique des escaliers, des places, des angles de rues… Revoir ce que l’on a découvert enfant, des fameux portraits découpés au ciseau, des peintres qui devant vous saisissent couleurs, formes, lumières, saisir des ambiances, de l’immortel.
La place Dalida, les vignes, le Passe-muraille… innombrables lieux mythiques.
Un autre jour, j’entre pour la première fois à la Sainte-Chapelle, quelle merveille.
À chaque arrivée, au sortir de la Gare Saint-Lazare, je sentais cet élan qui vous aspire vers des musées, des jardins, des passages couverts, le canal Saint-Martin, le Quartier latin, ses librairies disparues, cent mille lieux, églises ou caves pour s’emplir de musique, de sensations nouvelles, de joies exquises. Paris, tu me manques, toi dont j’aurais, toute ma vie, rêvé.
Ce que la Covid nous a arraché, ce sont nos désirs, désirs d’arpenter un petit bout de monde ; ne reste que la mémoire de couleurs d’automne dans le Yukon, de temples géants à Louxor, Assouan, Abou Simbel, de felouques sur le Nil, de barques sur le Mékong… qui se mélange aux souvenirs d’enfance, balades à vélo, baignades en Méditerranée…
Quelle chance d’une vie accomplie…
Les petits enfants auront d’autres lectures du monde que certains de nous ont contribué à bâtir, à détruire ou à protéger.
Énigme de la traversée de la vie.
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